Publié dans Politique

Professeur Henri Rasamoelina - « Laisser un patrimoine à l’abandon enlève son caractère sacré »

Publié le mardi, 02 juin 2020


Au lendemain des explications du Président de la République, Andry Rajoelina sur la chaîne nationale dimanche, la polémique qui entoure la construction du « Kianja Masoandro » dans l’enceinte du Rovan’Antananarivo continue de faire couler beaucoup d’encre et se trouve au cœur de vives discussions. Dans une interview exclusive accordée à notre journal, Henri Rasamoelina, Professeur titulaire à l’université de Fianarantsoa, diplômé en histoire des civilisations et membre titulaire de l’Académie malagasy apporte son point de vue sur la question.
La Vérité : Quel est votre point de vue par rapport à la polémique actuelle autour de la construction du « Kianja Masoandro » au Rovan’Antananarivo?
Henri Rasamoelina : Tout changement s’accompagne toujours de polémique à Madagascar et ce depuis le temps de la royauté. Je prends l’exemple durant la période du règne de Radama 1er qui avait décidé de se couper les cheveux et de vêtir des habits modernes. Sa décision ne fut pas accueillie de façon unanime chez le peuple mais cela ne l’avait pas empêché d’opter pour le changement. Pour le cas du Rovan’Antananarivo, l’endroit n’a cessé d’évoluer au cours de l’histoire et a toujours subi quelques changements de la part des rois ou reines de l’époque.
L.V : Ne s’agit – il pas de contexte différent puisque nous sommes actuellement dans un régime républicain où le Président n’est nullement un roi ? 
H.R : C’était juste un exemple, mais cela pour dire que peu importe que ce soit un état monarchique ou un état républicain, les dirigeants disposent d’une puissance souveraine dans chaque prise de décision. C’est d’ailleurs pour cela que la majorité du peuple leur ont confié le pouvoir à travers les élections. Il est du devoir des dirigeants d’opérer à des changements pour le développement. Si le Président a donc décidé de réhabiliter le Rovan’Antananarivo et d’y construire le Kianja Masoandro, c’est qu’il a ses raisons. D’ailleurs, il l’a déjà expliqué à plusieurs reprises et de façon claire.
L.V : Que pensez-vous de la montée au créneau d’un groupe de personnes qui affirment appartenir à la communauté des « Andriana » et qui expriment leur indignation aujourd’hui ?
H.R : Tout d’abord, je tiens à souligner que le Rova n’est la propriété exclusive de quelques personnes mais appartient à tous les Malagasy. Je me rappelle que dans le passé, durant la construction du Rova et de l’église, les toits étaient fabriqués à partir de matières appelées « ardoises » qui ont été transportées depuis l’Amoron’i Mania avant de passer par le Vakinankaratra. Par ailleurs, une liste classée aux archives dans la Capitale contient également les noms de tous les citoyens qui ont participé au téléthon pour la réhabilitation du Rova après l’incendie. C’est donc une affaire nationale.
L.V : Certains arguments soutiennent que les travaux menés actuellement risquent d’enlever le caractère sacré (« Masina ») du Rova qui constitue un patrimoine national. Qu’en pensez-vous ?
H.R : Je pense qu’il faudrait avant tout expliquer la notion de « hasina ». Ce sont avant tout les gens qui attribuent un caractère sacré ou non à une personne ou un lieu. Le « masina » en soit n’existe pas. Et à Madagascar, tous les endroits sont sacrés mais cela n’empêche d’apporter des touches de modernité. A mon avis, apporter des changements n’entrave en rien le caractère sacré du Rova. Au contraire, c’est le fait de laisser un tel patrimoine à l’abandon sans la moindre restauration qui fera davantage perdre ce caractère sacré.
Par exemple, du temps du roi Andrianampoinimerina, les marchés étaient considérés comme des lieux sacrés où le commerce des porcs était interdit. Et les personnes qui se comportaient mal au marché risquaient d’être décapitées. Aujourd’hui pourtant, les marchés sont perçus différemment.
L.V : Certains citoyens soulèvent la question relative à la priorité de l’Etat par rapport à cette nouvelle construction au Rovan’Antananarivo. Votre avis ?
H.R : Je pense que les débats aujourd’hui sont en train de prendre une tournure plus politique. Pourtant, je constate que le régime ne s’est pas concentré sur ces travaux pour laisser les autres priorités de côté comme la crise sanitaire liée au Covid-19. Il s’agit juste d’un projet parmi tant d’autres dont le coup d’envoi des travaux avait commencé bien avant la pandémie.
Propos recueillis par Sandra R.


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  • La faucheuse
    Fossoyeuse ou faucheuse, qu’à cela ne tienne, elle abat allègrement ! La Compagnie nationale d’eau et d’électricité, Jiro sy Rano Malagasy (JIRAMA), tue et abat sans autre forme de procès. En fait, pour le compte du premier quart de siècle de l’An 2000, la JIRAMA fauche tout ce qui bouge sur son passage. Créée dans la foulée et la folie de l’arrivée au pouvoir en 1975 du jeune capitaine de Frégate Didier Ratsiraka, par les avalanches de nationalisations, la JIRAMA voit le jour le 17 octobre 1975. Elle résulte de la fusion de la Société Malagasy des Eaux et Electricité (SMEE) et la Société des Energies de Madagasikara (SEM). Son rôle se concentre sur la distribution des services essentiels dont l’eau et l’électricité à travers le pays. La vague d’étatisations depuis 1975 se manifeste par des initiales « ma » (malagasy) à toutes les nouvelles marques des entités commerciales et…

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