Vendredi dernier, les agents de la Direction régionale de l’environnement et du développement durable (DREDD) d’Atsinanana sont rentrés les mains vides à Toamasina. Ce jour et la veille, ils sont venus à Andranokoditra, à 60 km au sud de la ville du port sur le Canal des Pangalanes, suite à un soit transmis du procureur de la République auprès du Tribunal de première instance.
Ce dernier leur a enjoint d’ouvrir une enquête, arrêter deux jeunes et les déferrer au Parquet pour exploitation illicite de produits forestiers et incendie de la forêt classée de Vohibola. Il s’agit d’une aire protégée riche en faune et flore vitales non seulement pour le littoral Est de Madagascar mais aussi pour toute l’île voire le monde entier en l’état actuel du déclin environnemental et du changement climatique.
Gérée depuis 2017 par l’association Razan’ny Vohibola, la forêt continue de subir des pressions grandissantes de la part de certains habitants de mèche avec des trafiquants opérant dans la capitale économique. La coupe sélective, la production de charbon de bois et la chasse clandestine mettent en péril le joyau écotouristique de la Commune rurale d’Ambinaninony, Brickaville.
Vengeance
Le 10 novembre, deux jeunes hommes résidant à Andranokoditra ont été pris en flagrant délit à l’intérieur de l’aire protégée. Ils y ont clandestinement fabriqué du charbon de bois alors qu’une partie de la forêt était en feu. Arrêté sur-le-champ, le duo était conduit par les patrouilleurs au village pour y être présenté à la présidente du Fokontany.
Le lendemain, alors que les deux compères étaient en cours de transfert au bureau de la DREDD à Toamasina aux frais de Razan’ny Vohibola, ils se sont volatilisés dans la nature avec la complicité des responsables locaux. L’intervention de la mairesse d’Ambinaninony était déterminante dans ce manège. Le soir même, les incriminés étaient vus en train de boire au village en criant vengeance.
Se sentant trahie, l’association a saisi le Parquet de Toamasina en dénonçant l’attitude de l’élue locale. A la lumière de la législation malagasy, les collectivités territoriales décentralisées ont l’obligation de prêter main forte à toute organisation œuvrant pour la conservation de la nature sur les territoires de leur ressort. Pour le cas de Vohibola, la mairesse se ferait complice des destructeurs de la forêt au lieu de coopérer avec l’administration publique.
Procès-verbal de carence
Le 18 novembre, une équipe de la DREDD est en effet descendue sur le terrain pour faire exécuter l’ordre du Parquet. La veille, un autre incendie s’est déclaré à proximité de l’endroit où les deux jeunes gens étaient appréhendés une semaine auparavant. Ceux-ci sont restés introuvables au moment où les envoyés de Toamasina allaient les cueillir chez eux.
Une fois de plus, ils auraient bénéficié de la protection des responsables locaux. L’élue les aurait demandés de se réfugier tout près d’elle à son village à Savalaina le long de la RN2. Force était pour les agents de la DREDD de dresser un procès-verbal de carence au grand dam de Razan’ny Vohibola. Celle-ci est bien consciente de la difficulté socioéconomique poussant certains à commettre des actes illicites.
A la COP26 qui s’est tenue ce mois à Glasgow, Ecosse, le Président Andry Rajoelina a réitéré la volonté de son administration de protéger la nature. Le ministère de l'Environnement et du Développement durable, quant à lui, a constamment insisté sur la tolérance zéro à l’égard des crimes environnementaux.
Le ministère de la Justice, par le biais du ministre Herilaza Imbiki, abonde dans le même sens. Par ailleurs, le code des aires protégées de Madagascar prévoit les sanctions à infliger aux auteurs des infractions touchant ces zones. L’épisode Vohibola est donc une affaire à suivre de près.
La rédaction