Il faut dire que la procédure dite de défaut criminel diffère sensiblement d'un procès d'assises classique. D'abord, parce que l'accusé, un ressortissant malagasy en cavale dans son pays, était jugé donc par contumace. Il n'y avait également ni témoins, ni experts à entendre, lors du procès, mis à part le médecin ayant réalisé l'autopsie d'Hubert Roger Rasolondramanitra, la victime qui a été poignardée à mort dans sa résidence secondaire à Ambohidrapeto, dans la Capitale malagasy, lors d'un séjour en juillet 2014.
La victime, un chef-comptable retraité, faisait des allers-retours réguliers entre son appartement de La Possession (La Réunion) et sa résidence sise dans la localité d'Ambohidrapeto Itaosy. C'est en entamant l'un de ses innombrables séjours censés durer un mois qu'il avait été agressé par son homme à tout faire, dans son lit, au réveil.
Et à notre confrère réunionnais de rappeler à travers ses colonnes que la prise en charge par les secours avait été chaotique. Il avait trouvé refuge chez Rémi Marchal, son cousin et voisin. Aucune ambulance n'étant disponible. Il avait été conduit sur un brancard de fortune en taxi à l'hôpital où le scanner était en panne...
Hubert Rasolondramanitra avait finalement été transféré dans une clinique privée où il avait été rapidement décidé de le faire rapatrier en urgence par avion à La Réunion. C'est au CHU de Saint-Denis qu'il a finalement succombé à ses blessures. Selon le médecin légiste, l'homme a été poignardé plus de dix fois. Il a aussi reçu un violent coup ayant causé une fracture du crâne. Un coup sans doute porté à l'aide d'un bâton retrouvé sur place.
Le meurtrier, plutôt motivé par le vol
« La multiplicité des coups et des moyens utilisés démontrent l'intention de tuer, estimait une juge de La Réunion. C'est un meurtre destiné à dissimuler un vol », celui d'une chaîne en or que les proches de la victime lui avaient pourtant déconseillé de porter à Antananarivo ainsi que de 300 euros. Ntsoa avait déjà été surpris en train de voler, notamment des marmites, des assiettes ou encore des outils de son patron, auprès duquel il avait aussi contracté une dette pour assouvir son penchant pour la boisson.
Mais l'auteur des faits avait fait une autre victime, cette dernière étant le témoin, malgré elle, de la scène du meurtre. Il s'agissait de Noro, la femme de ménage d'Hubert Rasolondramanitra, laquelle avait surpris le meurtrier en train de s'acharner sur sa victime au matin du 22 juillet 2014. Ses gestes et faits ayant été vus, Ntsoa s'était alors rué sur la domestique pour la blesser superficiellement à la gorge et plus gravement à la jambe, avant de prendre la fuite avec son butin. Les enquêteurs savent qu'il est parti se réfugier chez sa petite-amie qui a bien vu les traces de sang et de blessures de défense sur ses bras. Le meurtrier a ensuite poursuivi sa cavale avec la complicité d'autres proches.
« Il a été recherché, semble-t-il, par les autorités malagasy », a lâché Emmanuelle Barre avec une pointe d'ironie. « Mais il n'a jamais été arrêté, ni jugé. Ce qui nous donne compétence pour le faire », ajoute-t-elle. Celle-ci a requis 20 ans de réclusion. La cour est allée au-delà en prononçant une peine de 30 ans.
Contacté par téléphone à Madagascar, Henri, l'un des frères de la victime, nous confiait sa satisfaction à l'annonce du verdict. « Mais nous espérons que les autorités malagasy s'activent pour retrouver le meurtrier. Car pour l'instant, rien n'a bougé »...
Recueillis par F.R.