Bien qu’homologuée, l’utilisation du Chlorpyrifos soulève un grand questionnement. L’Europe en a interdit la production et l’usage alors que le produit importé à Madagascar par le truchement du Maroc est fourni par la firme néerlandaise Simonis B.V.
Ce pesticide est jugé nocif pour l’environnement, la santé humaine, les crustacés et d’autres éléments vivants. Les points d’eau, les parcs et les zones d’agglomération sont donc à éviter.
« Nous avons suggéré à la FAO de changer de pesticide. Mais notre législation ne prévoit aucune disposition interdisant le Chlorpyrifos », déplore Nomenjanahary Saholy Ramiliarijaona, directrice de la protection des végétaux auprès du ministère de l’Agriculture et de l’Elevage.
De plus, poursuit-elle, « l’agence onusienne se réfère aux normes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Tant que cette dernière s’en tiendra à ses règles, la FAO sera toujours en droit d’utiliser ce produit », fait-elle savoir.
Pour la responsable ministérielle, la pratique doit désormais tenir compte de l’interdiction européenne dans la mesure où plus de 40 % des produits végétaux exportés de Madagascar vont en Europe.
« Nous sommes tenus à la prudence car si les Européens ont choisi de bannir le recours au Chlorpyrifos, il devrait y avoir au moins une raison décisive », prévient la spécialiste.
L’acquisition de ces pesticides vise à maîtriser l’invasion acridienne sur une superficie totale de 400 000 hectares. Neuf des vingt-trois Régions de l’île – majoritairement côtières et parmi les plus vulnérables –sont affectées.
Les conditions favorables à la multiplication des criquets sont remplies suite aux abondantes pluies apportées par des passages cycloniques du premier semestre de l’année.
« Les effets du changement climatique et la déforestation contribuent à l’élargissement de l’aire grégarigène. C’est la particularité de la campagne en cours », explique à SciDev.Net Toarson Randrianantenaina, directeur général du Centre de lutte antiacridienne à Madagascar.
« Il ne s’agit pas de campagne classique. On travaille tout le temps », renchérit Catherine Constant, coordinatrice de la campagne pour la FAO.
Seuil de grégarisation
Le développement de la troisième génération des criquets ravageurs, dont les parents sont nés en novembre, s’est accompli en avril-mai où le seuil de grégarisation a été atteint ou dépassé dans l’ensemble du nord-ouest de l’aire grégarigène, selon les dires de Tsitohaina Andriamaroahiana, expert en acridologie au service de la FAO.
Au cours d’une rencontre organisée à Antananarivo le 15 juin dernier, l’expert a mis l’accent sur l’existence de foyers principaux, secondaires et tertiaires. Selon ses précisions, les choses ont beaucoup évolué durant la troisième génération.
A en croire Catherine Constant, un millier d’espèces de criquets existent dans le monde. Douze d’entre elles sont les locustes ou criquets ayant la capacité de passer la phase solitaire à la phase grégaire.
« En état solitaire, les locustes sont inoffensives et on est contents de les avoir car elles font partie de l’écosystème. Mais dès qu’il y a une augmentation de la densité, pour différents facteurs climatiques et alimentaires notamment, elles changent de couleur, de comportement, d’habitude, de taux de multiplication, etc. Etant donné une série de critères, elles passent au stade grégaire et c’est là qu’elles vont nous poser beaucoup de problèmes », précise-t-elle.
La coordinatrice de la campagne pour la FAO confie à Scidev.Net que la Grande île compte deux espèces : la Lucusta migratoria capito et la Nomadacris septemfasciata. Elle ajoute que les criquets migrateurs malagasy ont généralement trois générations par an.
Elle explique que d’une génération à une autre, le taux de multiplication du criquet en situation grégaire est de 60. Les trois générations sont donc 60 à la puissance trois, c’est-à-dire qu’un criquet peut donner naissance à 210 000 autres en une seule année. Un essaim comprend donc des milliards d’insectes, d’où la nécessité de les surveiller en permanence.
La lutte chimique et mécanique en collaboration avec la communauté et les autorités locales se fait par voies aérienne et terrestre.
La FAO privilégie le système barrière pour stopper les avancées des larves. A raison d’un litre pour 3 ou 7 hectares, on traite les végétations attaquées par les larves qui, par la force des choses, accumulent la dose létale. La proportion augmente à un litre par hectare pour la lutte aérienne.
Les quelque 150 pesticides utilisés à Madagascar, y compris ceux destinés à la lutte antiacridienne, font l’objet d’une expertise sur le terrain. Le résultat sera bientôt présenté en prévision de nouvelles formulations scientifiques jugées viables pour l’environnement et la santé humaine.
Rivonala Razafiarison (SCI DEV NET)