« L’on m’a demandé jusqu’à 800 000 ariary pour obtenir mon passeport en 3 jours. J’en avais besoin d’urgence pour un déplacement à l’étranger, et n’avais pas le temps de faire les va- et -vient ni de faire la longue queue. J’ai dû contacter un agent travaillant au sein de ce service pour y arriver. C’est vraiment un abus mais je n’avais pas d’autres choix », nous confie M.R., travaillant dans le monde de la communication. Les personnes qui font la queue à Anosy constituent les premières victimes de malversation en tout genre. « J’étais là depuis 4h du matin, mais au final, je ne suis pas reçue sous prétexte que le nombre de dossiers journaliers a été atteint. Je devrais faire partie de cet effectif mais les coups de téléphone ont supplanté ceux qui font la queue. Je ne suis pas sourde, il y a des gens qui font des offres à certains responsables pour que leurs dossiers soient reçus moyennant une somme d’argent en plus des 190 000 ariary. En plus, ils ne se cachent pas », témoigne une dame, folle de rage en quittant les lieux hier matin.
« Si vous n’avez pas au moins 1 million d’ariary, rebrousser chemin. Le montant est variable selon celui ou celle qui vous reçoit. Mais il vous faut prévoir le double du prix normal », nous confie J.J.R. « Le procédé est simple, on vous dit qu’il manque une pièce dans votre dossier sans préciser quoi d’abord. Puis si vous insistez, ils avancent un motif qui n’a pas été listé sur l’affiche exposée au tableau de renseignement. En vous voyant dans l’embarras, ils vous disent enfin que moyennant une somme d’argent le dossier passera quand même », ajoute-t-il. H.R., une étudiante qui devait partir à l’étranger, a également été déboussolée en sortant des locaux hier.
« Mon dossier était tout à fait en règle, j’ai rempli tous les critères. Et voilà qu’on me cherche des noises en disant qu’il manque le certificat d’hébergement. Ce dernier, pourtant, requiert l’obtention d’un passeport pour l’avoir. En plus, cela n’est pas mentionné sur la petite notification rabougrie et presque illisible affichée à l’extérieur. Tout a été délibérément compliqué à mon avis afin de limiter le nombre de Malagasy autorisé à sortir du pays ».
Pour d’autres qui connaissent la combine, leur dossier est déjà accompagné de billet à l’intérieur de leur enveloppe, au point de ne plus faire la queue. « Je préfère donner un plus et être assuré que ma demande soit reçue. Lors de ma première venue ici, c’était l’enfer. Il m’a fallu un mois pour avoir mon passeport, les 3 jours annoncés ne sont qu’une publicité. Les motifs de report sont nombreux, entre autres l’appareil en panne, trop de demandes, pièces électroniques manquantes pour le passeport biométrique, service fermé pour fête de la Police et j’en passe. Cette fois-ci, je me suis bien renseigné et résolu à trouver les « bonnes » personnes à contacter pour s’occuper de mon renouvellement. Je sais que ce n’est pas très fair-play vis-à-vis des autres, mais c’est le système qui le veut. Soit tu y adhères soit tu meurs comme on dit » témoigne F.A., jeune cadre.
Pourtant, le Service central de contrôle de l’immigration et de l’émigration (SCCIE) nie l’existence des agents corrompus, en pointant du doigt les rabatteurs, pourtant non identifiés. Il qualifie même de rumeurs les témoignages sur les réseaux sociaux, tout en précisant que le droit reste à 190 000 ariary. Ledit service encourage les citoyens à venir directement dans ses locaux pour traiter les dossiers. Le délai de délivrance de passeport est normalement de 72h, quoi que cela peut prendre jusqu’à une semaine avec diverses anomalies, dont la coupure de l’électricité, etc.
La Rédaction