Publié dans Politique

Forêt primaire de Vohibola - Colère noire du ministre de l’Environnement

Publié le mardi, 09 avril 2019

Très en colère. Le ministre de l’Environnement et du Développement durable Alexandre Georget l’est, selon un de ses conseillers spéciaux. Joint au téléphone, celui-ci dit que le ministère suit de très près l’évolution de la très médiatique affaire de Vohibola, la seule forêt humide restante du littoral est située à 60 km de Toamasina sur les rives du canal des Pangalanes (cf. notre édition du 2 avril). La forêt vit ses dernières heures à cause des activités illicites sans précédent qui menacent sérieusement sa survie.
« J’étais avec le ministre ce matin (ndlr : mardi) lorsqu’il donnait l’ordre au directeur régional de l’Environnement et du Développement durable (DREDD) d’Atsinanana de relâcher immédiatement les gens de Vohibola. Le ministre était très en colère », a révélé le conseiller spécial. Sur ordre du DREDD, Christian Ratsimbazafy, deux femmes de Toamasina et trois hommes de Brickaville, tous sous son autorité, avec six gendarmes (trois d’Ambinaninony et trois autres de Brickaville) ont arrêté samedi douze villageois.
«  Ils m’ont pris chez moi à 6 heures du matin. Ils ont sur-le-champ confisqué mon téléphone. Voilà pourquoi je n’ai pas pu informer les autres. Mon bien ne m’a été restitué que lundi matin », a raconté une des victimes qui a été relâchée hier soir après des heures d’enquête et de tracasseries inutiles au bureau de la DREDD à Toamasina. Joël Talata, 84 ans, le plus vieux du groupe a aussi retrouvé sa liberté avec elle après avoir subi le même traitement au même endroit.



Opération clandestine
Le vieux est le tangalamena (prêtre traditionnel) d’Ambalahasina, un des villages riverains de la forêt. Il est le président de l’association Razan’ny Vohibola, une structure ad hoc en place depuis 2016 pour protéger ce patrimoine forestier pillé. Il a fait la guerre d’Algérie pour protéger la France. Ce samedi, les envoyés du DREDD ont cueilli par surprise cette personne respectable chez elle à 5 heures du matin. « Le tangalamena n’avait sur lui qu’une petite chemise alors qu’il pleuvait beaucoup ce jour-là », a rapporté un témoin oculaire.
Jeudi dernier, l’association a attrapé trois individus (un homme, une femme et un enfant venus de Toamasina) en flagrant délit à l’intérieur de la forêt. Les autorités en ont été informées. Dans la soirée de vendredi, Victor, un résident de Topiana, et son employeur (un étranger), depuis leur résidence au bord du canal, ont vu se dérouler sous leurs yeux une opération clandestine de chargement de bois extraits de Vohibola à bord d’une embarcation venue de Toamasina.
« C’était aux environs de 20 heures », a lâché notre informateur qui a alerté volontiers les responsables de l’administration forestière régionaux. Le lendemain, son initiative s’est retournée contre lui et ses amis. Les envoyés du DREDD ont demandé aux gens de l’association locale (au nombre de douze précisément, tous des volontaires) de les accompagner dans la forêt. L’expédition est en effet tombée sur un homme (venant de Mahambo) en flagrant délit aussi.

Complètement ivres
Puis, les missionnaires, les douze villageois avec le suspect ont mis le cap sur un établissement hôtelier sur le canal des Pangalanes. C’était là que les collaborateurs du DREDD et les gendarmes ont interdit, à la nuit tombante, les villageois de rentrer chez eux à leur grande surprise. « Ils nous ont fait subir une mise à mort lente presque. On ne nous a donné à manger qu’à 21 heures du soir alors que nous n’avons rien mis sous les dents durant toute la journée », a relaté notre interlocuteur.
« Nous avons vécu des emmerdements des gendarmes dont quatre étaient complètement ivres », a-t-il poursuivi. Selon des témoins, ces éléments des Forces de l’ordre, avec leurs collaborateurs de circonstance, sont partis faire la fête au village touristique d’Andranokoditra à bord d’une vedette rapide du riche hôtelier. La Gendarmerie doit enquêter sur ce cas.

Mise en scène grotesque
« J’ai 63 ans. Le tangalamena en a 84. Lui et moi sommes dits que nous n’avons jamais vécu une telle expérience depuis notre naissance. Pire, ils ne nous ont point fait savoir qu’ils iraient nous conduire à Toamasina », Victor a continué son récit. De fait, les gens de Razan’ny Vohibola ont été accusés de trafic de bois saisis. Lesdits bois saisis se trouvent effectivement à proximité d’un autre hôtel donnant sur le canal des Pangalanes. « Ces bois étaient des arbres abattus par les contrebandiers. Ils étaient saisis en collaboration avec l’ancienne DREEF. Personne n’a le droit d’y toucher sans une note explicite », a cité la propriétaire de l’hôtel, une étrangère. « La dame allait être arrêtée, elle aussi. Mais les missionnaires ont changé d’avis à la longue », nous a lancé le conseiller spécial du ministre. L’intéressée elle-même nous a transmis la même information. Elle est vue comme la bête noire du maire et du DREDD. Mardi, l’information selon laquelle l’équipe du DREDD a pu démanteler une filière de trafiquants est passée en boucle à Toamasina. « Toute notre équipe a en ce moment les yeux bandés à la direction des eaux et forêts de Toamasina devant des journalistes aux ordres. Mise en scène grotesque pour faire croire à un coup de filet de trafiquants », a dénoncé sur les réseaux sociaux le fondateur de Madatrek qui a depuis des années donné l’alerte sur la situation de Vohibola.

Pillage orchestré
Le sort des dix autres villageois retenus à Toamasina n’est pas encore connu au moment de la rédaction. Entre-temps, le pillage de la forêt se poursuit de plus belle. « Ainsi la forêt n’est plus protégée et les sbires du maire peuvent aller chercher le fruit de leur forfait en toute quiétude : sacs de charbon et bois longs. C’est le monde à l’envers. Protecteurs enfermés et trafiquants illégaux lâchés dans la nature... Un pillage orchestré par le détenteur de l’autorité à son profit et au profit des trafiquants de Toamasina et au détriment des populations locales. J’ai alerté le Gouvernement de notre impuissance », regrette Madatrek. « Pour l’instant, nous ne pouvons rien dire sur les vrais responsables du pillage. Nous analysons encore en profondeur la situation. Mais des décisions capitales seront sûrement prises après le bouclage de l’enquête », a rassuré le bras droit du ministre qui était passé à Vohibola récemment. Aucun de nos appels insistants pour avoir l’avis du DREDD n’a abouti hier. Il a seulement envoyé un texto en trois mots disant qu’il était en pleine réunion. Ce jour, son équipe et celle de la Commune d’Ambinaninony procèderont à une opération de reboisement [de charme] sur la zone de Vohibola.  « Beaucoup de gens viendront ici demain », nous a signalé un informateur local hier soir. Une grande réunion se tiendra au même hôtel-sponsor dont le propriétaire aurait désiré gérer la forêt à son profit. Un conflit d’intérêt de plus en plus éloquent derrière la sombre affaire Vohibola, aux antipodes de l’esprit de l’IEM et de l’initiative présidentielle de reverdir Madagascar.
M.R.

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Editorial

  • Un phare
    « Je voudrais être un phare qui voulais illuminer les démunis et leur apporter la lumière », telle est la déclaration, érigée en confession de foi, de Harilala Ramanantsoa, porte étendard n° 7 de l’IRMAR – UPAR aux communales et municipales d’Antananarivo-Renivohitra prévues le 11 décembre prochain. A l’issue d’un culte d’action de grâce et de louange au temple du Palais de Manjakamiadana, Harilala Ramanantsoa répond à la question des confrères pourquoi a-t-elle choisi ce site historique pour organiser un culte qu’elle devait déclarer ainsi. Qu’est-ce qu’un phare ? Le Robert le définit en ces termes « une tour élevée sur une côte ou sur un îlot, munie à son sommet d’un feu qui guide les navires ». Sur un véhicule, c’est un feu à longue portée pour offrir la meilleure visibilité la nuit au conducteur.

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