Ludovic Adrien Raveloson dit Leva, ancien député élu à Mahabo, est en passe de devenir la vedette d’un feuilleton judiciaire à Madagascar. En cavale depuis deux semaines, il reste introuvable. Il éviterait tout contact, même avec les siens.
Raison pour laquelle sa femme, Yvonne Razafindrazalia, l’a supplié devant les caméras, mercredi, de se manifester et de faire confiance au système judiciaire du pays. Comme si son intervention médiatique avait pour but de rassurer l’opinion que son mari, un multimilliardaire, est toujours présent au pays. La porosité de nos frontières fait naître pourtant beaucoup d’ histoires incroyables.
L’intéressée, devenue membre de substitution de la Chambre basse, a publiquement loué les décisions de la Haute Cour constitutionnelle (HCC) et la présidente de l’Assemblée nationale, Christine Razanamahasoa. Les deux entités ont prêté une oreille attentive au cas précis du politicien Leva, et d’un autre, conformément à la loi.
La dame a également fait part de sa disponibilité à collaborer avec le Président de la République Andry Rajoelina, à soutenir son programme de développement et à coopérer également avec la Première Dame Mialy Rajoelina. C’est évidemment viser plus haut.
Traitement de faveur
Depuis avril 2019, Ludovic Raveloson est en détention préventive à la maison centrale d’Andabatoara Morondava pour abus de fonction, exploitation et mise en circulation illicites des produits principaux de forêts et complicité d’assassinat. En même temps, il s’est présenté aux législatives du 27 mai.
Il a gagné les élections même s’il n’a jamais eu l’occasion de faire campagne pour lui. Des députés à Tsimbazaza se sont mobilisés afin de mettre fin à l’incarcération de leurs collègues, Leva et Hasimpirenenana, élu à Fandriana mais incarcéré avant son élection à Antanimora. L’initiative a échoué. Le précédent ministre de la Justice, Jacques Randrianasolo, s’est toujours opposé aux tractations.
L’ancien ministre a clairement rappelé qu’une décision de l’Exécutif de libérer les deux députés relèverait d’une illégalité flagrante et du non-respect des lois en vigueur. Sa position lui a valu le satisfecit des Organisations de la société civile en date du 22 janvier.
Cela posé, le candidat a cherché à écourter son séjour en milieu carcéral. Il a été astreint à la main-d’œuvre pénale. Un traitement de faveur bien appuyé. Pourtant, l’inculpé a préféré passer d’agréables moments chez lui au lieu de retourner dans sa cellule. La mesure à son encontre s’est naturellement renouvelée, retour à la case prison.
Insubordination
Mais, contre toute attente, Ludovic Adrien Raveloson a bénéficié d’une double liberté provisoire le 7 février dernier. Le changement de donne fait suite à l’exécution d’un ordre émanant de la Chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Toliara et de la Chambre d’accusation de la même juridiction. Les signatures de ces ordres ont subi une mesure suspensive. Se croyant être en bon droit, l’un des concernés a saisi le Conseil d’Etat aux fins de sursis à exécution de la décision. La requête a été rejetée.
Pis, les dispositifs de lutte contre la corruption ont entre les mains le dossier pour démystifier ce qui est vu comme « insubordination » de certains magistrats. Et le nouveau ministre de la Justice, Johnny Richard Andriamahefarivo, et le nouveau secrétaire général, Herilaza Imbiki qui a pris sa nouvelle fonction jeudi, ont promis de mener un combat sans merci contre la corruption au sein de l’appareil judiciaire malagasy.
Discrétion
« Par le présent communiqué, les Organisations de la société civile signataires expriment leur indignation vis-à-vis des conditions opaques dans lesquelles une liberté provisoire a été récemment octroyée à M. Ludovic Raveloson, dit Leva, dans le cadre de deux affaires, l’une pour complicité de meurtre et l’autre pour abus de fonction dans l’exploitation et la mise en circulation illicites de produits forestiers », a regretté une plateforme d’Organisations de la société civile.
Peu de temps après sa sortie de prison, l’ex député Leva a été aperçu à Miandrivazo en direction d’Antananarivo pour rencontrer qui ? Personne n’est en mesure de donner la vraie réponse bien que les bruits du couloir aient annoncé une rencontre avec une haute personnalité. N’ayant pas eu certainement de réponse favorable à sa demande, il a disparu de la circulation pour de bon. D’aucuns ont pensé qu’il irait chercher refuge dans le Sud-Est dont il est originaire. Mais personne ne peut en confirmer ou infirmer la véracité.
A noter qu’il aurait fallu la grande vigilance de la Gendarmerie de Menabe pour signaler illico presto la libération en catimini de Leva dont un nouveau mandat d’arrêt est sorti le jour même de sa remise en liberté provisoire. Tout a été ainsi bien préparé pour laisser la voie libre à l’homme ayant la surface financière large et qui, depuis des années, se croyait intouchable. Le scénario est digne d’être joué par des stars hollywoodiennes et peut même être proposé à un prix Oscar.
M.R.
Le 10 février, la HCC a noté la succession automatique d’Yvonne Razafindrazalia à son époux au siège de l’Assemblée nationale. Celle-ci est sa suppléante sur la liste de candidature. Du coup, la dame serait protégée par l’immunité parlementaire. Mais, deux jours avant la sortie de la décision des juges constitutionnels, elle a été arrêtée et placée en garde à vue à la section de recherche criminelle de Fiadanana, Antananarivo. La parlementaire est poursuivie pour des affaires de corruption qu’elle aurait commises en faveur de la libération de son époux et entrave à l’exécution d’une décision de justice. Puisqu’il s’agit d’infractions commises avant la décision de la HCC et en plus en dehors de l’exercice de son mandat électif, si tel était réellement le cas, l’impunité est devenue sans force. Le cas de l’épouse de Leva reste encore en suspens…
Les observateurs doutent que Leva reste introuvable pour longtemps. Beaucoup d’autres fugitifs le sont jusqu’ici en dépit des restrictions. Entre autres opportunités, la faiblesse de la surveillance des frontières constitue une circonstance favorable à la fuite à l’étranger pour les recherchés. D’aucuns se souviennent bien du cas d’un certain Gariste, fonctionnaire au ministère des finances et à l’époque vice-président de la fédération malagasy de football qui, cueilli aux Comores, avait été rapatrié par avion, c’était en 2008. Les yeux sont aussi braqués en ce moment sur le boss de sourc’in voyage, Jo Willy Rabe. Accusé d’escroquerie, celui-ci est en cavale depuis la fin d’année 2019. D’autres occurrences, comme la fuite de deux Indo-pakistanais criminels de Toliara, dont le transfert de Tsiafahy à Ejeda a donné lieu à leur fuite, peuvent être citées encore. Somme toute, la liste est longue et menace de se rallonger davantage.
Des « wanted » que les forces de l’ordre ont l’obligation de retrouver pour qu’ils paient de leurs « crimes » devant la justice.