Publié dans Culture

Andriamilafikarivo (Toera) - Le dernier roi symbole de la lutte anticoloniale à Madagascar

Publié le lundi, 07 avril 2025

Alors que Madagascar poursuit sa relecture de l’Histoire, le nom du roi Andriamilafikarivo, plus connu sous le nom de Toera, longtemps ignoré des manuels scolaires, retrouve la place qui lui revient parmi les grandes figures nationales. Son héritage de résistance et de sacrifice résonne aujourd’hui plus que jamais comme un appel à l’unité et la mémoire.

Souverain du royaume sakalava de la Région de Menabe, il demeure, plus d’un siècle après sa mort, un symbole vivant du refus de l’oppression étrangère et un repère identitaire fort pour le peuple malagasy.

Né vers 1853, Toera fut l’un des derniers rois du Menabe. A la fin du XIXe siècle, alors que les troupes françaises progressaient à travers l’île, il fut l’un des premiers chefs sakalava à prendre les armes pour défendre son territoire, ses traditions et son peuple. Sa résistance, tenace et déterminée, s’est heurtée à la brutale répression coloniale. En 1897, à la suite d’un affrontement sanglant, le roi Toera fut capturé, décapité par les forces françaises, et son crâne emporté en France.

Mémoire et résistance face à la colonisation française

Le massacre d’Ambiky, où s’illustra sa dernière bataille, demeure aujourd’hui le témoignage d’une résistance malagasy généralisée dès les débuts de la colonisation. « Contrairement à l’idée reçue selon laquelle seuls les Merina des Hautes-terres auraient résisté à la colonisation, les faits démontrent que la révolte était nationale, et que les Sakalava y ont joué un rôle crucial », souligne Denis Alexandre Lahiniriko, historien à l’université d’Antananarivo. « Le mouvement de résistance dirigé par Toera dans le Menabe montre que la lutte contre la conquête coloniale concernait tout Madagascar. C’est un soulèvement anticolonial survenu en pleine période de " pacification " menée par le Général Gallieni. Ces événements marquent les premiers signes de la construction d’une conscience nationale malagasy, unie face aux envahisseurs », ajoute-t-il.

La résistance de Toera n’était pas celle d’un roi isolé, mais celle d’un peuple entier. Des paysans sont tombés à ses côtés, dans une révolte comparable aux événements de 1947. Dans les deux cas, il s’agissait d’une lutte paysanne pour refuser la soumission, réclamer la liberté, et affirmer le droit pour les Malagasy de décider de leur propre destin sur leur propre terre.

« Le roi Toera s’est battu pour sa liberté et pour celle de son peuple. C’est un mouvement populaire qui doit être reconnu à sa juste valeur dans notre Histoire nationale », affirme encore l’historien.

Le rapatriement de sa relique revêt une importance capitale

Aujourd’hui, la mémoire du souverain Toera revient avec force. Son crâne, ou « Kabeso », conservé en France, est au cœur d’un processus de restitution mené par les autorités malagasy, dans le cadre d’un programme national de récupération des biens culturels. Pour le peuple sakalava, cette démarche revêt une importance majeure.

« Lorsqu’un "Ampanjaka" meurt, certaines parties de son corps sont placées dans les reliques du "Zomba" qui symbolisent la continuité du royaume sakalava. Actuellement, seule la relique du roi Toera manque parmi les dix déjà présentes. Son retour est attendu pour être honoré lors d’une future cérémonie du "Fitampoha", aux côtés des autres reliques royales », explique un chef de quartier à Ambiky, District de Belo-sur-Tsiribihina.

Ce retour est bien plus qu’un simple acte symbolique. Il représente une réparation historique, un devoir de mémoire, mais aussi un pilier dans la reconstruction de l’identité nationale malagasy. « Le retour du crâne du roi Toera serait une justice historique et une reconnaissance du combat de nos ancêtres », ajoute ce notable.

Un enjeu pour les relations franco-malagasy

Le cas du roi Toera soulève également une question plus large : celle d’une nouvelle relation politique entre la France et ses anciennes colonies. « Rapatrier ses restes, c’est plus qu’un geste symbolique. C’est poser les fondations d’un nouveau dialogue, basé sur le respect, la mémoire et la justice », rappelle l’historien Denis Alexandre Lahiniriko. Et lui d’ajouter : « Il est fondamental que l’Etat malagasy reconnaisse que l’unité nationale s’est forgée dans la lutte commune contre l’occupation coloniale. A Ambiky comme ailleurs, des Malagasy de toutes origines ont dit non à l’injustice, la dépossession et la domination. C’est dans cette mémoire partagée que se construit la souveraineté de demain ».

Elias Fanomezantsoa

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Editorial

  • IPAM
    « Ny firaisan-kina no hery », l’union fait la force, tels sont les mots d’ordre de la Commune urbaine d’Antananarivo (CUA) et les 38 Communes qui l’entourent. Un slogan classique qui anime la CUA et les Communes du District d’Antsimondrano, d’Avaradrano, d’Ambohidratrimo et d’Ambatomirahavavy (Itasy) à travers « Ivom-panajariana ny tanan’Antanananrivo sy ny manodidina » (IPAM), Agence d’Urbanisme du Grand Tanà. Les maires des Districts susmentionnés dont entre autres le maire de la Capitale Harilala Ramanantsoa et l’inamovible premier magistrat de la Commune rurale d’Ampitatafika Rado Raparaoelina se sont réunis mi-mars dernier à Antananarivo au « hôtel live ». L’IPAM existait déjà bien avant mais à chaque début de mandat, les nouveaux et anciens maires réélus s’y retrouvent afin de peaufiner les tactiques à adopter pour trouver ensemble les solutions à adopter. Nombre de sujets relevant du développement commun de leurs circonscriptions respectives ont été débattus. La première magistrate de…

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