L’année 2020 est sans doute une année difficile pour l’économie de Madagascar. La Grande île a perdu dix années de croissance économique et se retrouve à son niveau en 2009. Dans la loi de Finances rectificatives 2020, le Gouvernement restait positif en tablant un taux de croissance à hauteur de 0,8 %. Suite au prolongement du confinement et de la fermeture des frontières aériennes, Madagascar entrait dans la récession économique et n’affichait plus qu’une croissance de -3,8 % au mois d’octobre. Et ce, en raison des perturbations du commerce international et de l’activité domestique liées à la pandémie de Covid-19, de la forte baisse des recettes d’exportation ainsi que celle des investissements privés. Au cours du premier semestre de l’année dernière, 64 % des ménages ont signalé une perte de revenus et 97% des entreprises une baisse de la demande de leurs produits et services.
Malgré les impacts de la pandémie, le Gouvernement annonce une reprise partielle des activités à compter de cette année. Les perspectives s’avèrent ambitieuses, si l’on ne cite qu’un taux de croissance économique positif, la consolidation des réserves nationales d’or, le business plan d’Air Madagascar et la nouvelle tarification de la société JIRAMA.
Conjoncture : Prévision d’un taux de croissance économique de 4,4 %
Les effets économiques de la pandémie continueront de se faire sentir en 2021. Toutefois, la croissance devrait se redresser graduellement avant de rebondir plus sensiblement à 5,8 % en 2022. Il faut, en effet, trois années pour rattraper les impacts du coronavirus sur l’économie. Le ministre de l’Economie et des Finances, Richard Randriamandrato a annoncé une croissance économique de 4,4 % en 2021. « Nous prévoyons un taux de croissance de l’ordre de 4,4 % cette année. Il est vrai que ce chiffre semble ambitieux par rapport au contexte actuel. Il faut tout de même noter que la perspective de croissance économique pour l’Afrique se chiffre à 6 %, tandis que celle de l’Afrique australe est estimée 5,6 %. Et il serait donc possible pour Madagascar d’atteindre cet objectif », soutient le ministre. Cette perspective est soutenue par la croissance du secteur primaire de 3,6 %, celle du secteur secondaire de 10,6 % et du secteur tertiaire de 4,1%. L’Etat malagasy continuera de soutenir à la fois la demande et l’offre nationale en ciblant des secteurs générateurs d’emplois tels que les Bâtiments et travaux publics (BTP), l’économie rurale, l’artisanat et l’entrepreneuriat. La Banque mondiale, quant à elle, a révisé le taux à 2 %. Selon cette institution financière, les projections sont particulièrement incertaines, avec la possibilité d’une deuxième vague de la pandémie ou d’autres chocs économiques et climatiques qui feront retarder la reprise.
« Banky Foiben’i Madagasikara » : Une tonne de réserve d’or en vue
Une valeur refuge par excellence. Le ministère des Mines et des Ressources stratégiques (MMRS) et la « Banky Foiben’i Madagasikara » (BFM) se sont associés au début de l’année dernière pour constituer une réserve nationale d’or. Force est de constater que la pandémie a entraîné la dépréciation de l’ariary à cause de la chute considérable de l’exportation. L’euro frôlait la barre de 4 900 ariary tandis que le dollar de 4 000 ariary. Un appel à manifestation d’intérêt a été publié au début du mois d’octobre pour trouver des fournisseurs d’or pour la banque. Seize opérateurs ont signé l’accord de partenariat avec les deux institutions. Le processus d’achat a commencé en mi-décembre dernier. Pour permettre à d’autres opérateurs de s’associer à cette initiative, un deuxième appel à manifestation d’Intérêt a été lancé en décembre. La BFM prévoit de consolider une tonne d’or dans sa réserve de change. L’institution financière veut rendre pérennes les impacts dudit projet et de contribuer véritablement à la stabilité de la monnaie nationale et à la constitution d’une réserve nationale d’or.
Air Madagascar : Le plan de redressement attendu cette année
L’année de la dernière chance. En 2020, Air Madagascar a rompu son contrat avec Air Austral. Aujourd’hui, le nouveau partenaire de la compagnie aérienne malagasy est donc la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNaPS).
Ensemble, les deux parties conçoivent depuis le mois de septembre 2020 le nouveau plan de redressement de la compagnie. Mais jusque-là, ce plan tarde à être dévoilé malgré les nombreuses annonces faites par le président du Conseil d’administration, l’actuel directeur général de la CNAPS, Mamy Rakotondraibe. Le nouveau business plan aurait dû être présenté à la fin du mois de septembre 2020. Toutefois, il n’a pas été terminé dans les délais prévus. Le ministre des Transports, du Tourisme et de la Météorologie, Joël Randriamandranto, a laissé entendre que « le business plan a déjà été finalisé sauf qu’il n’était pas conforme aux attentes de l’Etat. Donc, il a fallu établir diverses modifications » mais aussi que « l’élaboration d’un business plan n’est pas une tâche facile, et qu'il vaut mieux prendre son temps et avoir quelque chose de consistant plutôt que se dépêcher et réaliser ainsi un travail bâclé ». Après ce retard, le PCA d’Air Madagascar a annoncé une finalisation de ce document au début du mois de décembre 2020. Mais il n’est toujours pas sorti. Il sera donc attendu en ce début d’année 2021.
Il ne faut pas oublier que la nomination du nouveau directeur général d’Air Madagascar attend encore la sortie de ce plan de redressement. Cette année sera alors une année charnière pour la compagnie aérienne malagasy, surtout en tenant compte de tous les paramètres sur lesquels le secteur aérien repose actuellement.
Secteur du tourisme : Un avenir encore flou
Plombés par le manque de visibilité, les opérateurs touristiques ignorent ce que l’année 2021 leur réservent. Leur activité dépend de l’évolution de la pandémie et de la décision du Gouvernement quant à la réouverture des frontières aériennes. D’après Johan Pless, président de la Fédération des Hôteliers et Restaurateurs de Madagascar (FHORM), il faut au moins une année et demie pour rétablir le secteur. En ce mois de janvier, plusieurs arriérés attendent les opérateurs, entres autres les arriérés fiscaux, les factures de la JIRAMA et les moratoires bancaires. Il faut dire que le manque de trésorerie persiste encore jusqu’à ce jour. « La plupart des établissements enregistraient une baisse de 80 % de leurs chiffres d’affaires. Tant que la frontière internationale reste fermée, les opérateurs touristiques continuent de souffrir. Il est vrai que le Gouvernement a tout de même ouvert les frontières au début du mois d’octobre, mais les touristes internationaux n’ont visité que l’île de Nosy Be alors que la survie d’autres Régions en dépend aussi. Par ailleurs, la baisse du pouvoir d’achat des ménages malagasy représente également un obstacle à la promotion du tourisme national », explique Sandra Afick, directeur exécutif de la CTM.
La réouverture des frontières, la prise en charge des factures JIRAMA et des charges sociales auprès de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNAPS) par l’Etat ou par les partenaires techniques et financiers, ainsi que le prolongement de la durée du chômage technique figurent parmi les solutions proposées par la Confédération. Le secteur touristique a enregistré une perte à hauteur de 1 500 milliards d’ariary en 2020 et fait vivre un million de personnes dans toute l’île.
JIRAMA : Une nouvelle grille tarifaire et des clients réticents
Toute comme Air Madagascar, cette année devrait marquer un tournant majeur pour la compagnie « Jiro sy Rano Malagasy », sachant qu’elle devra atteindre l’équilibre opérationnel d’ici la fin de l’année. Le premier tournant attendu pour ce mois de janvier est l’application de la nouvelle grille tarifaire, « Optima » que la JIRAMA a déjà annoncée en décembre dernier. Chaque client de la société a en effet reçu un courrier expliquant ce basculement vers un nouveau mode de tarification plus compréhensible. Les estimations présentées aux clients se basent ainsi sur les consommations durant l’année 2019. Or, à la fin de l’année 2020, les clients étaient déjà particulièrement sceptiques quant à ces estimations réalisées faites par les responsables au niveau de la société. Les démarches entreprises par la JIRAMA pour ce mois de janvier seront alors cruciales pour qu’ « Optima » s’intègre facilement dans le quotidien de tous. Dans tous les cas, les abonnés de la JIRAMA défendent qu’un changement des tarifs doive indéniablement s’accompagner d’une amélioration de la qualité des services. En effet, jusque-là, les efforts d’investissements de la JIRAMA pour fournir de meilleurs services laissent encore à désirer, autant dans le domaine de l’électricité que de l’eau. En tout cas, cette nouvelle grille tarifaire vise surtout à établir une péréquation tarifaire dans tout le pays. De ce fait, les clients de la JIRAMA à Antsiranana et à Antananarivo paient la même facture. Il reste à voir si l’application de cette nouvelle grille se déroule sans encombre, et que la JIRAMA atteigne son équilibre opérationnel à la fin de l’année.
Sécheresse : Une mauvaise campagne agricole à craindre ?
Les réserves d’eau de Madagascar, mais aussi des îles voisines, sont actuellement à sec. Et selon les experts, une saison des pluies « normale » ne suffirait pas pour remplir les réserves d’eau. Face à cette situation, les risques d’une mauvaise campagne agricole sont considérablement élevés. Jusque-là, en effet, les pluies sont pratiquement insuffisantes, et ce dans toutes les Régions et les zones de production de la Grande île. Pourtant, toutes les cultures, principalement le riz, ont besoin d’eau pour obtenir de bons résultats. Avec cette période de sécheresse, les efforts déployés l’an dernier dans le domaine agricole n’auront plus aucune valeur. L’augmentation des objectifs de reboisement est déjà une solution à long terme. Mais en attendant que les arbres poussent, régulent la température et la saison des pluies, des solutions à court terme doivent être déployées dès cette année pour éviter une mauvaise campagne agricole. L’installation de quatre centres communautaires de serres pour la production en toute saison de fruits et de légumes dans quatre Districts est déjà un début. Mais ce genre de solution doit être vulgarisé et donc multiplié. Des techniques agricoles modernes et adaptées au changement climatique en réduisant l’utilisation de l’eau, mais surtout respectueuses de l’environnement, une fois vulgarisées dans tout le pays, permettront par exemple de faire face à cette période de sécheresse intense.
Dossier réalisé par Rova Randria et Solange Heriniaina