Publié dans Politique

Didier Ratsiraka - « Que Madagascar parvienne à s'unir pour réaliser son destin »

Publié le jeudi, 16 avril 2020

Après son intervention télévisée sur une chaîne privée locale, l'ancien Président Didier Ratsiraka fait de nouveau la une de la presse internationale à savoir le magazine « Jeune Afrique ». L'un des Présidents africains qui a vécu la naissance des Etats en Afrique et  en exercice durant la guerre froide entre l'Est et l'Ouest a été interviewé par un envoyé spécial de ce magazine, qui à l'époque de l'amiral Rouge n'était pas le bienvenu dans les kiosques de journaux de la Grande île. L'entretien a eu lieu au domicile de l'ex-Président à Faravohitra bien avant la fermeture des liaisons aériennes avec l'extérieur. 

A la veille du 60e anniversaire de l'indépendance de Madagascar, Didier Ratsiraka appelle les Malagasy à être solidaire. « Il faut souhaiter que Madagascar parvienne à s'unir pour réaliser son destin et devienne, un jour, le sixième membre du groupe des BRICS » aspire l'homme qui a dirigé deux fois le pays, 1975-1993 et 1997-2002. Lui qui a été taxé, à tort ou à raison, d'avoir appauvri Madagascar par son idéologie défend pourtant  son bilan. « Certaines années, quand j'étais au pouvoir, nous avons réussi à ne pas importer un gramme de riz. Mais j'aurais voulu pouvoir assurer l'autosuffisance alimentaire de mon pays. Les grandes puissances sont celles qui peuvent nourrir leur population et exporter leur surplus », précise Didier Ratsiraka à notre confrère de Jeune Afrique. Un des points qu'il ne cesse de répéter à chaque occasion comme la construction d'un centre universitaire dans chaque Province, un collège d'enseignement général (CEG) dans chaque District ainsi que la mise en place des centres de santé de base.

En dépit de tout et de sa politique d'industrialisation de l'époque, Didier Ratsiraka avoue que Madagascar, à l'instar de certains pays d'Afrique sûrement, n'est pas encore souverain. « Nous avons tous les attributs de l'indépendance : le drapeau, l'hymne, le Parlement… Mais nous n'avons pas une pleine souveraineté. Nous ne sommes toujours pas maître des prix des produits que nous exportons. Les cours du café et du cacao sont décidés à Londres, tout comme celui du pétrole est fixé au siège de l'OPEP, à Vienne », tient à rappeler Didier Ratsiraka dont l'anticolonialisme avait pris racine dès son jeune âge au pensionnat d'Amparibe  « Il date de mes années au collège Saint-Michel, à Antananarivo. 

Les Malagasy comme moi devaient se contenter d'un bol de riz, agrémenté d'un peu de sucre roux, quand les Français avaient droit à du café et des tartines beurrées. J'ai organisé la première grève de l'histoire de cet établissement, jusqu'à ce que nous soyons tous mis au même régime. Nous étions en 1953, c'était l'année où les Français commençaient à occuper Diên Biên Phu, en Indochine ; l'année suivante, Mohammed V, le roi du Maroc, arrivait en exil à Antsirabe. Moulay El Hassan, le futur Hassan II, était dans la classe de mon frère tandis que Moulay Abdallah, son cadet, était dans la mienne. Tout cela n'a fait que renforcer mes convictions », confie l'ancien Président malagasy de la 2e et de la seconde moitié de la 3e République. 

Parti en France quelques années avant la déclaration de l'indépendance, son objectif principal était de devenir militaire. Une obsession née, selon lui, de la brutalité des tirailleurs sénégalais lors de l'insurrection du 29 mars 1947. «  J'avais vu des tirailleurs sénégalais brûler notre maison et menacer de tuer notre famille. Je n'avais pas encore dix ans, mais j'avais déjà compris que le « pouvoir était au bout du fusil ». 

Et à 38 ans, après avoir navigué sur toutes les mers de la planète terre, le capitaine de frégate Didier Ratsiraka accédait sur le fauteuil de la Présidence de Madagascar. Un statut qui lui a permis pendant 16 ans de côtoyer les grands Messieurs du monde francophone et ceux de qualifiés à l'époque les progressistes.

Des confidences et des anecdotes, Didier Ratsiraka a ouvert son cœur à l'envoyé spécial de Jeune Afrique. « Je dirais qu'il y avait entre nous une sorte de connivence socialiste. Nous avons tous deux été à l'origine de la création de la Commission de l'océan Indien, en 1982. Je pense même avoir été l'un des rares Présidents africains à avoir pu faire la sieste dans sa maison de vacances à Latche », révèle l'ex- Président malagasy de sa relation avec le Président François Mitterrand. Celui-ci qui lui aurait demandé de rencontrer Kadhafi et de lui raisonner sur la crise entre la Libye et le Tchad. Mission accomplie, narre le « missionnaire » qui en guise de récompense a eu l'honneur de recevoir le Président Mitterrand en visite officielle à Madagascar et obtenu à titre de cadeau «  une de ses R25 blindées ».

Avec les Africains, Didier Ratsiraka a eu des bonnes relations avec certains Présidents à l'instar de Houari Boumediene qui aurait sauvé Madagascar d'une cessation de paiement en 1976. Par contre, il évoque «  l'ingratitude » de Nelson Mandela à son égard. « Nelson Mandela ne m'a même pas invité le jour de son investiture. Peut-être n'avait-il pas apprécié que les Présidents De Klerk et Botha viennent me voir pour discuter de sa libération.  Il faut se souvenir que pendant plus d'une décennie, l'ANC prenait chaque jour à partir de 22 heures le relais de notre radio nationale pour diffuser ses messages depuis Antananarivo ».

A 83 ans, Didier Ratsiraka reste un des témoins vivant de l'histoire africaine, post- indépendance. A Madagascar, chaque sortie médiatique de celui qui aime jadis à répéter qu'en politique il n'y a pas d'amitiés ou d'inimitiés éternelles mais des intérêts permanents, et largement suivie puisqu'elle réserve une surprise. La dernière en date est celle du 8 avril dernier où il avait décidé d'allouer sa pension de retraite du mois de mars (3 millions d'ariary) au système de santé, très sollicité en cette période de COVID- 19. Vraiment Deba est égal à lui-même !

La rédaction

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Editorial

  • Entre deux bourdes
    Etre le fils d’une ancienne « célébrité politique » et tenter d’exhiber le nom de son père, d’une part, s’aventurer à devenir le premier magistrat de la ville des Mille, de l’autre, relèvent de deux erreurs voire deux bourdes. Entre ces deux erreurs grossières, il faut savoir en profiter pour se frayer le chemin de la victoire. Trois candidats parmi les sept en lice pour conquérir le fauteuil de l’Hôtel de ville d’Antananarivo tentent de « vendre » le nom de leurs pères. Point n’est plus besoin de les citer nommément, on les connait. Ils ont un point commun, aucun d’entre eux n’a eu ou effectué un rôle électif ou une responsabilité quelconque à Antananarivo. Leurs pères respectifs ont été déjà d’une manière ou d’une autre responsables soit étant élus ou étant nommés à Antananarivo-Ville, président du Fivondronampokontany, député ou maire ou au-delà Premier ministre, Chef d’Etat.

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