Publié dans Politique

13 mai 1972 - Une brèche historique

Publié le mardi, 12 mai 2020


« Divisé à l’intérieur, contesté de l’extérieur, le Gouvernement Ramanantsoa est condamné à disparaître. Le 25 janvier 1975, le Général le dissout. ‘Notre pays, dit-il, comme tous les pays du monde, traverse actuellement une période difficile. Devant les différents problèmes qui existent et auxquels nous devons faire face, la direction des affaires nationales et le Gouvernement ont besoin d’un souffle nouveau. Aussi, après avoir mûrement réfléchi, j’ai décidé de dissoudre le Gouvernement’. Du coup, la lutte pour la prise du pouvoir est ouverte ».
Ce paragraphe est le dernier d’une analyse du politologue André Rasolo intitulée « Autour du mai 1972 : la question du pouvoir » publiée par le Cahier des sciences sociales de l’ancien EESDEGS de l’actuelle université d’Antananarivo où l’auteur était responsable pédagogique de la filière sociologie. Jusqu’à preuve du contraire, son dernier propos aura un écho étonnamment durable sur le devenir de la jeune nation malagasy comme si le professeur de sociologie politique prédisait le futur.
Née des événements de 1972, l’appellation de « 13 mai » sera accolée à l’avenue de l’indépendance à Antananarivo et à d’autres places publiques sur l’île. Elle symbolisera pour longtemps un haut lieu de lutte pour le pouvoir à Madagascar. En 1991, 2002, 2009 et 2018, la place du 13 mai a fait et défait le pouvoir de par l’ampleur des mouvements populaires qui s’y cristallisent à coup de discours alimentés par des idéologies aux contours changeants suivant le contexte mondial dominant.
Le 18 mai 1972 à 15 h 45, le Président Philibert Tsiranana annonce à la radio sa décision de confier les pleins pouvoirs au Général de division Gabriel Ramanantsoa. Mais à la suite d’une série de péripéties qui mettent en danger la vie de plusieurs hautes personnalités du Gouvernement et de celle de la nation elle-même, l’officier général de l’Armée est contraint de lever le drapeau blanc et d’abandonner volontiers le pouvoir au bout de deux ans et demi d’exercice houleux.
Rivalités
Il plie bagages le 5 février au profit du colonel Richard Ratsimandrava qui partira tragiquement cinq jours plus tard. Quatre Chefs d’Etat se succèdent durant les six premiers mois de 1975 pour illustrer l’ouverture de la lutte pour la prise de pouvoir évoquée par André Rasolo. Beaucoup d’analystes et chercheurs s’accordent à dire qu’elle est le corollaire du « mai 1972 malagasy » qui fait date dans l’histoire des Républiques.
Comme le soulèvement nationaliste du 29 mars 1947, le mouvement ayant mis fin à la Première République a des origines bien déterminées poussées par des faits ayant couvé à l’intérieur et à l’extérieur. Les échos de la guerre froide ne sont pas sans répercussion sur les affaires politiques des nations fraichement indépendantes alors qu’à Madagascar, l’Etat PSD est sur le point d’imposer en raison des rivalités et des ambitions des jeunes loups désirant prendre la place du vieux Président Philibert Tsiranana.
La gestion du pays se complique au fur et à mesure au point d’atteindre un point de non retour, signe évident de l’affaiblissement total du pouvoir. Les choix politiques jugés inadaptés aux réalités de l’époque se doublent alors de la dissension au sein du parti gouvernemental. Le contrôle du pouvoir échappe ainsi facilement à celui qui, sous le poids de l’âge, est victime d’un grave malaise en 1966 et a dû suivre des traitements médicaux à Paris à un moment donné.
Complot maoïste
La désignation des quatre vice-présidents du Gouvernement pour se partager les charges administratives ne fait qu’empester davantage l’atmosphère. La dissolution du Gouvernement formé en octobre 1970 intervient ainsi cinq mois plus tard. Le clivage est devenu de plus en plus saisissant alors que d’autres secousses se préparent loin du palais.
Exaspérée par la misère et les exactions dont elle est victime, la population du Sud s’insurge dès le début d’avril 1971. La riposte du pouvoir est violente pour mater la révolte paysanne faussement mise sur le compte d’un complot maoïste ou d’une subversion du trio Monja Jaona-André Resampa-CIA. A Antananarivo, bien que chef de file du parti de l’opposition, Richard Andriamanjato de l’AKFM prend la défense de Tsiranana prétextant qu’il exclut la provocation concoctée par les Américains.
Le pasteur, dans un communiqué du 8 juin 1971, demande en effet l’abrogation des accords conclus entre Madagascar et les Etats-Unis sur l’installation de la station de la NASA à Imerintsiatosika vue comme faisant partie des projets militaires de l’impérialisme américain dans l’océan Indien sous couvert d’activités scientifiques. Le pouvoir déjà chancelant de Tsiranana trébuchera dangereusement quand éclatera en 1972 le soulèvement scolaire lancé par quelques lycées et étudiants d’Antananarivo.
Place publique
Les étudiants en médecine de Befelatanana entre en grève le 6 mars. Leur association sera dissoute le 19 avril, ce qui mettra le feu aux poudres. Cinq jours plus tard, les écoles de la Capitale lancent une grève de solidarité avec les étudiants en médecine. Les autres mesures douces prises pour calmer les esprits n’y peuvent rien.
Critiques du néocolonialisme pour chasser l’intervention étrangère dans la direction politique du pays, conflits sociaux, mécontentement face à l’injustice généralisée, lassitude de la population, inégalité des conditions, politique de race… sont des ingrédients d’un soulèvement qui ne tarde pas de s’amplifier. « Parti de l’école, mai 72 a dépassé le cadre scolaire pour se concentrer sur les conflits sociaux hors de l’école. Il faut dire que l’Etat PSD l’a paradoxalement aidé à franchir ce pas », note André Rasolo.
Les jeunes chômeurs émigrés réunis en ZOAM entrent en jeu pour créer un courant dépassant le nationalisme. Les citoyens investissent la place publique pour manifester leurs revendications qui gonflent à la longue. Le mouvement, exclusivement urbain au début, se délocalise désormais en se nationalisant.
Réélu à 99,7 %
Fidèles à leur méthode, les autorités recourent une fois de plus à la violence pour tenter de le neutraliser comme elles ont fait dans le Sud en avril 1971. Il y a des arrestations massives, des fusillades, des centaines de blessés et des morts. Rappel : les Forces républicaines de sécurité (FRS), créées par Resampa alors ministre de l’Intérieur sur le modèle des CRS français, sont bien équipées et entraînées par des instructeurs allemands et israéliens.
Le 8 mai 1972, le jeune leader du mouvement scolaire de 17 ans, Modeste Randrianarisoa, est tombé sous les balles à Ambalavao. Il accède ainsi au statut de la première victime de la répression. Du samedi 13 mai au lundi 15 mai, la Capitale est à feu et à sang. Le déchainement de part et d’autre est tel que ces trois journées successives sont d’une atrocité inouïe. La maire de la Capitale en paie le frais, entre autres.
Puisque la violence est à la fois le moyen d’introduire des problèmes nouveaux et de liquider les anciens, les revendications changent. La volonté de rompre définitivement avec le régime ne fait plus machine arrière. Face à l’impossibilité de négocier, le détenteur du pouvoir, bien que réélu à 99,7 % des suffrages exprimés le 30 janvier 1972, se dirige vers la porte de sortie dix jours après la mort du premier martyr.
Ainsi, le cycle de renversement du régime et de conquête du pouvoir en passant par le « 13 mai » s’enracine-t-il dans les mœurs ou les habitudes collectives à Madagascar.
Manou Razafy

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Editorial

  • Entre deux bourdes
    Etre le fils d’une ancienne « célébrité politique » et tenter d’exhiber le nom de son père, d’une part, s’aventurer à devenir le premier magistrat de la ville des Mille, de l’autre, relèvent de deux erreurs voire deux bourdes. Entre ces deux erreurs grossières, il faut savoir en profiter pour se frayer le chemin de la victoire. Trois candidats parmi les sept en lice pour conquérir le fauteuil de l’Hôtel de ville d’Antananarivo tentent de « vendre » le nom de leurs pères. Point n’est plus besoin de les citer nommément, on les connait. Ils ont un point commun, aucun d’entre eux n’a eu ou effectué un rôle électif ou une responsabilité quelconque à Antananarivo. Leurs pères respectifs ont été déjà d’une manière ou d’une autre responsables soit étant élus ou étant nommés à Antananarivo-Ville, président du Fivondronampokontany, député ou maire ou au-delà Premier ministre, Chef d’Etat.

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