Le cas d'un artiste impliqué dans un accident mortel de la circulation, ayant bénéficié dans un premier temps d'une liberté provisoire puis replacé en détention provisoire (suite semble-t-il à une pression exercée par les proches de la victime) remet sur le tapis le principe du mandat dépôt systématique pour tout conducteur de véhicule impliqué dans de telles situations. Nous republions ci-après l'article sur le sujet, plus que jamais d'actualité, intitulé « Accident mortel de la circulation - Le MD automatique, une aberration », paru dans nos colonnes le 12 novembre 2019, consécutivement à la visite du Président de la République à la maison d'arrêt d'Antanimora.
Le Président de la République avait pointé du doigt, à juste titre, le placement en détention préventif abusif comme étant l'une des causes de la sévère surpopulation carcérale dont souffrent nos établissements pénitenciers. Il faut savoir cependant que certaines situations ne procèdent pas de la volonté des magistrats mais d'une politique pénale aberrante. Comme celle qui consiste à placer automatiquement sous mandat de dépôt ceux qui sont impliqués dans un accident mortel de la circulation.
De source judiciaire, la politique pénale en question a été instaurée dans les années 2000, suite à une série noire d'accidents mortels dont la majorité serait due à l'imprudence des usagers de la route, plus précisément des conducteurs de véhicules. Depuis, ladite politique demeure en vigueur, faute d'instruction officielle contraire. Dans la pratique, sauf en de rares exceptions, le placement en détention préventive est appliqué par les magistrats dès lors qu'il s'agit d'un accident mortel de la circulation. Ce qui aboutit parfois à des situations iniques.
Il y a en effet des circonstances où il apparaît clairement que le conducteur concerné est totalement hors de cause et que la faute incombe exclusivement à la victime. Quid par exemple de ces accidents causés par l'inconscience des fous au guidon qui en ont été eux-mêmes victimes ? Pour prendre un autre exemple à l'extrême, citons celui d'un candidat au suicide qui se jette sous les roues d'un véhicule et qui, pour ne pas rater son acte, agira de telle manière à ce que le conducteur ne puisse pas l'éviter. Il ne s'agit nullement d'une fiction car c'est ce qui a failli se passer il y a quelques semaines aux 67ha et plus récemment sur la route digue, où il était question de faux ivrognes en quête de « dédommagement » de la part des occupants des voitures-cibles.
Un principe aveugle
Dans tous ces cas de figure, est-il juste que le tiers qui a été impliqué bien malgré lui dans le drame soit puni par un séjour en prison, si bref soit-il ? Car il faut bien reconnaître que, quoi qu'on puisse dire, c'est bien de cela dont il s'agit concrètement. L'aberration est à son comble lorsque, plus tard, l'absence totale de faute de la part du prévenu est constatée par le juge de fond. Un constat qui aurait pu parfaitement être établi lors des enquêtes effectuées durant la garde à vue, ou au niveau du Parquet si celui-ci n'était pas tenu par la politique pénale du MD systématique pour les accidents mortels de la circulation.
Les usagers de la route qui pourraient faire les frais de ce principe aveugle constituent, en somme, les œufs à casser en guise de dissuasion pour une meilleure sécurité routière. Cela a-t-il eu réellement pour effet d'assagir les chauffards et autres écraseurs en puissance qui pullulent sur nos routes ? On se permet d'en douter, au vu du nombre d'accidents qui alimentent la rubrique des faits divers ces derniers temps. Ce qui est sûr, c'est que cela aura pour conséquence d'augmenter inutilement, ne serait-ce qu'un tant soit peu, le nombre de prévenus innocents dans les geôles par ailleurs déjà surpeuplés.
En attendant, tous conducteurs, si prudents soient-ils, doivent avoir en tête que, à partir du moment où ils se mettent au volant, ils sont de potentiels pensionnaires de prison, fautifs ou pas fautifs.
Hery Mampionona ( in La Vérité du 12 novembre 2019)