Pour les uns, l’arrestation des gros ou moyennement gros poissons suivie de leur mise en accusation ou de leur relaxe relève d’un acte politique. Pour les autres, l’arrestation des petits poissons suivie de leur mise en détention ou de leur acquittement est un abus de l’Etat. Dans tous les cas de figure, l’appareil judiciaire et l’appareil répressif sont toujours pointés du doigt.
Les officiers supérieurs et les officiers de police judiciaire sont censés travailler en toute indépendance. Ils sont là pour appliquer la loi. Beaucoup donnent une coloration politique au cas du maire de la Commune urbaine d’Ambatondrazaka et de ses coprévenus. Ceux-ci sont depuis janvier placés en détention préventive à la maison centrale de la ville pour avoir contribué au crime environnemental commis dans les marais du Lac Alaotra.
Il s’agit d’une aire protégée de catégorie 6 depuis 2007. Le bassin lacustre et ses marécages constituent un habitat unique d’une riche biodiversité. Par exemple, le lémurien bandro (Hapalemur alaotrensis), une espèce menacée d’extinction, ne vit nulle part ailleurs au monde que dans les forêts de roseaux d’Alaotra ou zetra.
Fantaisie
Les zetra jouent des rôles économiques, écologiques, sociaux et culturels vitaux. Ils font aussi partie intégrante de l’identité culturelle des Sihanaka. Outre la riziculture qui fait la réputation de l’Alaotra, les zetra stabilisent le climat du bassin lacustre fréquemment sujet à de graves inondations. La mise en protection du Lac Alaotra et de ses écosystèmes n’est donc pas une fantaisie.
Leur disparition aura des impacts néfastes sur l’existence de tout l’Alaotra et de celle de ses habitants. Des riches personnes et des responsables locaux s’évertuent justement à accélérer la disparation des zetra. Ces personnes sans scrupules financent à coup de millions et des millions d’ariary des activités illégales à l’intérieur des zetra. Elles consistent à les défricher pour avoir de nouvelles parcelles de rizière. Elles mettent sérieusement en danger la survie du lac et de sa biodiversité.
Depuis 2020, le ministère de l’Environnement et du Développement durable (MEDD) ainsi que ses démembrements ont mis en œuvre la politique de la tolérance zéro en matière de crimes environnementaux. Ils ne travaillent pas seuls. Les organisations de la société civile œuvrant dans le domaine de l’environnement et les communautés de base viennent en appui.
Tribalisme
Plus souvent, les signalements émanent de celles-ci. En leur qualité d’officiers ou d’agents de police judiciaire, les membres du personnel du MEDD ne font qu’acter la procédure indiquée par la loi en cas d’infractions avérées. Pour sa part, la Justice ne fait que faire respecter la loi. Par ailleurs, le ministère de la Justice a donné l’an passé une consigne selon laquelle tout crime environnemental ne serait pas toléré.
Pour revenir à l’affaire du maire d’Ambatondrazaka (un IRD) et consorts, elle était déjà signalée dès octobre 2020. Leur déferrement était initialement prévu en décembre de la même année. Mais il n’a pu avoir lieu que récemment. D’autres responsables régionaux auraient dû aller en prison avec eux pour les mêmes motifs.
L’équipe de la Direction régionale de l’environnement et du développement durable (DREDD) d’Alaotra-Mangoro reçoit régulièrement des menaces à cause de cette affaire. D’autres extrémistes forcent même le débat à migrer vers le terrain du tribalisme pour la simple raison que l’actuel numéro un de l’équipe régionale est un originaire d’Analanjirofo.
M.R.