Publié dans Politique

Issa Sanogo, Coordonnateur résident du Système des Nations Unies à Madagascar  - « La stabilité est importante si nous voulons œuvrer pour le développement »

Publié le vendredi, 29 juillet 2022



 Rétrospective de l’année 2021, bilan du premier semestre 2022, Covid-19, sècheresse et famine dans le Sud, Objectifs de développement durable (ODD). Le coordonnateur résident du Système des Nations Unies à Madagascar, Issa Sanogo, a répondu à nos questions au cours d’un entretien hier dans les locaux des Nations Unies, à Andraharo. Dans le volet politique, le numéro un du SNU a également mis l’accent sur la question de stabilité qui, selon lui, est importante dans le processus de développement. Interview.

La Vérité(+) : Comment résumeriez – vous les activités du Système des Nations Unies à Madagascar durant le premier semestre de cette année 2022 ?
Issa Sanogo (=) : L’année 2022, en ce qui concerne le premier semestre, s’annonce très chargé. 2021 a été l’année du pic de l’intervention humanitaire. 2022, malheureusement, a été une année de continuation de l’intervention humanitaire en ce sens qu’on n’avait pas anticipé sur la fréquence des cyclones qui sont venus s’ajouter à une crise humanitaire dans le Sud. Ce qui fait qu’on a une double crise : la sècheresse (…) et les cyclones. Donc, notre réponse au niveau des interventions humanitaires n’a fait que croître.
En mai 2022, la réponse humanitaire a atteint 1,1 million de personnes pour le Sud seulement, sur 1,3 million de personnes prévues recevoir de l’assistance. A ceux-là sont venus s’ajouter les habitants du Sud – Est qui ont été frappés par les cyclones. Donc, la réponse humanitaire a été encore plus élevée au cours du premier semestre de l’année 2022. A cela s’ajoute le fait que nous avons continué nos interventions d’appui institutionnel qui couvrent, par exemple, la gouvernance, la cohésion sociale à travers les programmes de consolidation de la paix, les programmes pour les forces de défense et de sécurité que nous menons en plus des interventions humanitaires.
Par rapport à la situation catastrophique qu’on prévoyait en 2021, on a pu éviter la famine car la réponse humanitaire est montée en puissance. Mais cela est également dû aux cyclones qui ont apporté un peu de pluies ayant permis d’améliorer, un tant soit peu, la récolte. Il faudrait néanmoins qu’on fasse attention puisqu’une frange importante des populations au niveau du Sud-Est et du Sud est restée en situation de crise. Nous entrons bientôt dans la période de soudure. Il est donc important qu’on puisse continuer les réponses humanitaires pour préserver les acquis et nous assurer qu’on fasse une transition en augmentant les réponses de résilience, de relèvement, etc.
(+) : Quel est votre analyse par rapport aux objectifs fixés par les agences de Nations Unies et aux résultats obtenus en 2021 ?
(=) : La semaine dernière nous avons présenté le bilan annuel du Système des Nations Unies pour l’année 2021, que je pourrais résumer autour de deux axes principaux. Le premier est la réponse que nous avons prévu au niveau du plan-cadre d’assistance pour développement qu’on connait sous le sigle de UNDAF (United Nations Development Assistance Framework). Sur ce plan, beaucoup a été fait et au total les agences sont intervenues autour de 80 millions de dollars. Concernant le second axe, la réponse des Nations Unies pour pouvoir mieux apprécier l’importance de cette activité. En effet, 2021 a été confronté à un certain nombre de choses : la crise de la Covid-19 qui était à son paroxysme et également la sècheresse dans le Sud qui avait atteint un niveau alarmant.
De ce fait, le Système des Nations Unies a dû redéployer ses interventions humanitaires. Avec le Gouvernement, nous avons lancé deux appels éclairs (« Flash appeals »). Le premier en début 2021 qui s’élevait à 75 millions de dollars, financé à plus de 50% et le second à 155 millions de dollars, financé à 90%. Par conséquent, le volet humanitaire est venu s’ajouter au volet développement pour compléter la gamme des interventions du SNU. Cette gamme des interventions a couvert essentiellement tout ce qui concerne l’assistance en matière alimentaire, nutrition, santé, éducation, protection sociale y compris les violences basées sur le genre, l’eau, l’assainissement, l’agriculture, etc.
(+) : Les agences des Nations Unies sont particulièrement actives et présentes dans la lutte contre la famine dans le Sud de Madagascar, malgré tout, la situation des familles demeure précaire. Y – a  – t – il des failles ? Quelles sont les moyens d’optimiser vos actions ?
(=) : Je ne dirais pas qu’il y a des failles, je dirais plutôt qu’il y a un besoin de renforcer la complémentarité. On n’est pas complètement sorti de la situation humanitaire. Aujourd’hui, quand on prend les populations du Sud qui ne sont plus en situation de famine, il y a quand même encore un peu plus d’un million de personnes qui se trouvent dans une situation précaire. A cela vient s’ajouter les personnes qui ont été affectées par les cyclones. Certaines ont fait l’objet d’appui en matière d’abris parce qu’elles ont été déplacées, et elles continuent de bénéficier de toutes les activités du SNU en matière humanitaire.
Donc, on doit être capable de continuer l’assistance humanitaire mais pour consolider la situation, on doit être également capable de commencer vers la montée en puissance des réponses de résilience, de relèvement. C’est ce que nous faisons à travers un effort de combinaison des interventions humanitaires avec ces genres de réponses. Par exemple, dans l’agriculture les actions consistent à fournir des semences plus adaptées au contexte climatique. Ou encore dans la pisciculture, trouver des moyens de vie qui soient des alternatives qui permettent aux gens d’êtres résilients aux catastrophes. C’est ce que nous faisons actuellement, et nous l’appelons effort de « Nexus » qui lie l’humanitaire, la résilience et le développement.
(+): Au cours d’une table ronde pour l’Emergence du Sud initiée par l’Etat en juin 2021, le Président de la République, Andry Rajoelina, avait soulevé le problème de coordination entre les autorités locales et les organisations qui travaillent sur le terrain en matière de mise en œuvre et de suivi des projets. Votre avis sur la question ?
(=) : La question de la coordination, je suis tout à fait d’accord, c’est un défi majeur. Qu’il s’agisse de la coordination des agences des Nations Unies ou de coordination avec les partenaires étatiques ou non étatique, la coordination a toujours été un défi.
Je voudrais, par contre, soulever les efforts qui sont faits. Je pourrais citer, par exemple, les efforts de l’Etat pour décentraliser le BNGRC (Bureau National de Gestion des Risques et des Catastrophes) au niveau régional. C’est un effort que nous appuyons parce que nous sommes convaincus que cette décentralisation va aider à mieux coordonner au niveau local. Pour la réponse en milieu humanitaire également, nous, en tant que système des Nations Unies, au pic de la crise, avions activé les « Clusters » qui sont des cadres de coordination sectorielle, notamment le cluster pour la sécurité alimentaire, la nutrition, l’eau et l’assainissement, la santé. (…) Nous nous assurons que le Gouvernement qui assure le « lead » sur ces questions de coordination puisse jouer tout son rôle et que cette coordination continue à s’améliorer.
(+) : Quels pourraient être les impacts de la série de crises actuelles : la pandémie de Covid-19 et la crise en Ukraine, par rapport à l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD) fixés par les Nations Unies à l’horizon 2030, notamment pour Madagascar ?
(=) : C’est vrai que malheureusement, avec la crise de la Covid et la crise en Ukraine, qui sont autant de crises globales qui affectent tous les pays en plus des crises locales comme la sécheresse dans le Sud et les cyclones, ça fait beaucoup. Et cela met vraiment au défi l’atteinte des ODD pour tous les pays incluant Madagascar.
Face à une telle situation, l’année dernière, le secrétaire Général des Nations Unies a lancé le sommet sur les systèmes alimentaires. C’est un mouvement global qui permet aux pays de réfléchir sur les alternatives à mettre en place pour essayer de garder un certain nombre d’ODD sur les rails. Cette année, il y a eu le sommet sur la transformation de l’éducation qui est également un mouvement global pour mettre l’éducation dans les priorités politiques globales de telle sorte que les défis auxquels l’éducation, c’est-à-dire l’ODD4, est confrontée peuvent être intégrés comme priorités. C’est une façon d’appeler les pays à investir davantage dans les secteurs sociaux : l’éducation, la santé, la protection sociale afin de garder les ODD sur les rails.
(+) : Qu’en est – il des perspectives de collaboration avec l’Etat malagasy ?
(=) : Dans le cadre de notre collaboration avec l’Etat, nous avons, depuis la moitié de l’année 2021, mis en place le cadre de coopération pour le développement durable. Cela nous permet de structurer nos relations en termes d’alignement par rapport aux priorités nationales et s’articule autour de 4 points essentiels : le premier est en rapport avec la gouvernance, l’espace civique et démocratique, la sécurité; la seconde concerne les secteurs sociaux (éducation, santé, protection sociale) ; le troisième porte sur les appuis en matière de productivité de l’économie, la compétitivité, l’emploi décent, le renforcement de la participation des femmes et enfin, le 4ème point est lié à la gestion durable de l’environnement puisque Madagascar est très vulnérable à tout ce qui est choc naturel donc ce volet est stratégique.
(+) : La stabilité étant un critère important dans les interventions des Nations Unies. Comment percevez – vous le climat politique dans le pays en ce moment et qu’en est – il de votre position par rapport aux prochaines élections ?
(=) : Les domaines qui constituent vraiment les valeurs des Nations Unies sont, d’une part, la paix et la sécurité, le développement, et tout ce qui est droits humains. Donc dans cette perspective, il est clair que la question de stabilité devient importante si nous voulons œuvrer pour le développement. Si l’on se réfère à une analyse récente faite par la Banque mondiale, il a été établi que les pertes de points de croissance du Produit intérieur Brut (PIB) pendant les périodes d’instabilité sont plus élevées que les gains de points de croissance pendant les périodes de stabilité. Cela veut dire que Madagascar aura perdu et les indicateurs de développement sont allés dans le sens inverse. La stabilité est l’affaire de tout le monde et toutes les parties prenantes doivent s’assurer qu’il y ait une stabilité ainsi qu’une cohésion sociale pour ce pays.
Pour ce qui est des élections, cela relève d’une question de souveraineté. Le Système des Nations Unies appuie les efforts qui permettent d’arriver à des élections apaisées et à une cohésion sociale.
(+) : Votre message pour le mot de la fin ?
(=) : Au niveau du SNU, nous sommes conscients du fait que la situation humanitaire, que ce soit au Sud ou au Sud – Est s’améliore, mais nous ne pouvons pas dormir sur nos lauriers. Donc,  nous allons continuer à déployer des efforts pour continuer à appuyer la situation humanitaire, même en étant conscients que nous devons multiplier nos efforts pour embrayer sur les activités de résilience et de développement. D’autre part, tout ce que nous faisons dans le domaine de la gouvernance et la cohésion sociale sont autant d’activités que nous allons poursuivre pour que nos interventions puissent apporter le bien-être qui, pour nous, est un élément clé. Il s’agit de ne laisser personne de côté quand il s’agit de développement !
Propos recueillis par Sandra Rabearisoa




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Editorial

  • « RIZ Plus »
    Loin des tam – tam, des bling – bling, des folklores propagandistes et surtout des séances de photogéniques en vogue, malheureusement ces temps-ci, des évènements d’intérêts cruciaux pour l’avenir immédiat, à moyen terme et à long terme du peuple malagasy, se passent à travers le pays. Le projet RIZ Plus ou projet de productivité et de résilience des moyens de subsistance ruraux fait son bonhomme de chemin. Il contribue à l’objectif essentiel à savoir « Eliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable » dans le cadre de l’Objectif de développement durable (ODD) diligenté par l’ONU et s’inscrivant directement dans la Politique générale de l’Etat (PGE) autrement dit « l’autosuffisance alimentaire ».

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