Le prince William du Royaume-Uni a été l’une d’importantes figures bien connues derrière le démantèlement du réseau de trafiquants ayant exporté des animaux sauvages de Madagascar en Thaïlande cette année. Leur rapatriement a aussi porté les traces des mains de son altesse sans que le grand public l’ait connu. L’affaire qui a défrayé la chronique à Madagascar et à l’étranger a été l’une des marquantes de cette année finissante.
Le 1er mai, les autorités thaïes, sur la base de renseignements fiables, ont intercepté dans la province de Chumphon 1 234 tortues en vie et mortes avec 48 lémuriens. Parmi les reptiles saisis en Thaïlande, 357 sont des tortues radiées (Astrochelys radiata) et 877 tortues araignées (Pyxis arachnoides), des espèces en danger critique selon la Liste Rouge de l’UICN.
Les lémuriens confisqués sont 16 lémurs catta (Lemur catta) et 32 lémurs bruns (Eulemur fulvus), respectivement en danger et vulnérables, selon la Liste Rouge. Six personnes ont été arrêtées avec ces animaux inscrits à l’Annexe I de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES). La survie des espèces dans cette catégorie est la plus compromise.
Des informations ont rapporté que ces animaux en provenance de Madagascar ont transité par l’Indonésie avant d’atterrir sur le sol thaï. L’affaire de grosse prise à l’étranger a généré des discours enflammés. Antananarivo, sous la pression des défenseurs de la nature et des mouvements citoyens, a négocié auprès de Bangkok le rapatriement des animaux qui font partie intégrante du patrimoine naturel de Madagascar et appartiennent de fait aux Malagasy. A cette fin, le ministre de l’Environnement et du Développement durable Max Andonirina Fontaine s’est déplacé à Bangkok en début juin.
De son côté, l’Indonésie a exigé des preuves scientifiques par le test ADN pour corroborer l’origine malagasy de ces reptiles et mammifères. Une telle réaction a été appréhendée comme une aberration. La partie malagasy a répliqué qu’une telle exigence est un non-sens dans la mesure où ces animaux sont réellement endémiques de Madagascar.
Entre-temps, un comité scientifique incluant des représentants du Groupe d’étude et de recherche sur les primates de Madagascar (GERP) et de la Turtle Survival Alliance (TSA) Madagascar et des techniciens du ministère de l’Environnement et du Développement durable (MEDD) ainsi que ceux d’autres départements a été créé pour accompagner les négociations en vue de l’accueil des animaux confisqués en Thaïlande à leur retour au pays.
Une délégation de la justice thaïe, dirigée un procureur d’investigation spéciale, est venue à Antananarivo en août afin de discuter du démantèlement d’un réseau de trafiquants international derrière l’exportation illégale des espèces sauvages. Un taskforce regroupant la Thaïlande, la Malaisie, l’Indonésie, le Taiwan et Madagascar a également vu le jour dans ce sens. Finalement, le rapatriement a été rendu possible fin novembre et début décembre.
En novembre, les autorités thaïes, représentées par le Department of National Parks, Wildlife and Plant Conservation, ont décidé de restituer à Madagascar les animaux survivants, au nombre de 963 dont 48 lémuriens et des tortues terrestres. Le ministre Max Andonirina Fontaine lui-même a supervisé le processus de rapatriement de ces animaux. Un protocole strict a été appliqué à leur retour au pays d’origine.
Trois vols de Qatar Airways Cargo ont gratuitement embarqué les cargaisons animalières à destination d’Afrique du Sud, d’où elles ont été généreusement ramenées à Antananarivo par des vols de la compagnie sud-africaine Airlink. Les deux compagnies aériennes sont membres de l’United for Wildlife Transport Taskforce et leur implication montre combien coopération internationale joue un rôle vital dans les efforts de conservation.
Quant au prince William, son organisation, United for Wildlife, a joué un rôle déterminant dans la capture de ces animaux malagasy illégalement exportés en Asie du Sud-Est. Une collaboration avec diverses entités internationales, entre autres, l’United Nations Office on Drugs and Crime, l’United States Fish and Wildlife Service et la Wildlife Justice Commission, a permis aux autorités thaïes de mettre la main sur les paquets parvenus à leur sol.
Six personnes ont été arrêtées et emprisonnées en Thaïlande dans le cadre de cette affaire. Neuf individus sont aussi détenus à Madagascar et trois autres font l’objet d’un mandat d’arrêt international. Il est impérieux de démanteler les réseaux de trafiquants des espèces sauvages. Leur trafic est classé parmi les crimes transnationaux organisés dont la neutralisation nécessite l’intervention des services de renseignements financiers et de toute une ramification d’organes de lutte anti-corruption.
M.R.