« Cela fait plus de dix ans que nous faisons le métier de transporteur. Plus exactement, nous conduisons des taxis-brousse en zone nationale. Depuis l’avènement de la pandémie, résilience oblige, nous devons nous résigner à nous reconvertir partiellement ou entièrement pour certains de nos collègues », déplore Livason Rivonandriana, chauffeur de taxi-brousse et propriétaire d’une demi-douzaine de véhicules Sprinter. Sa petite flotte navigue depuis un peu plus d’une décennie sur les routes nationales n°4 et 6, au départ de la Capitale et en direction de la Région de Boeny ou de Sofia. « Nous avons débuté avec un seul véhicule vers la fin de l’année 2009, juste après la crise. Nous avons consacré toutes nos économies dans l’achat de ce véhicule pour ensuite agrandir notre flotte au fur et à mesure, en contractant des prêts bancaires. Nous avons justement eu recours à un dernier crédit à la fin de l’année 2019 pour l’acquisition d’un dernier véhicule suivant les normes en vigueur », rajoute le transporteur. En général, l’importation d’un véhicule de type Sprinter, de la marque Mercedes, coûte environ un peu plus de cinquante millions d’ariary à son propriétaire. Le véhicule arrive habituellement sous forme de fourgon depuis l’Europe. Le propriétaire devra ainsi débourser un peu plus de six millions d’ariary pour transformer ce véhicule en transport de passagers suivant les normes imposées par l’Agence des transports terrestres. Quelques millions d’ariary dépensés en plus des frais de fret et de douanes donc.
Échappatoire
Cependant, avec la fermeture des frontières régionales en raison de l’état d’urgence sanitaire, la flotte de ce transporteur, comme celles des autres propriétaires opérant dans le même domaine, se retrouve clouée au parking dans la mesure où il n’y a que les véhicules de transport de marchandises qui ont le droit de sillonner les Régions de la Grande île. Dans une optique de survie, la plupart des transporteurs de passagers doivent ainsi se tourner vers le transport de marchandises malgré le fait que le marché soit tout même déjà assez saturé en ce moment. « Comme ces institutions financières ne considèrent que peu notre cas, nous ne pouvons, en aucun cas, rester sans rien faire. Nous n’avons pas encore terminé de rembourser nos crédits bancaires. Sans compter les frais d’entretien obligatoire de ces véhicules ainsi que les questions de fiscalité avec les patentes et autres autorisation de circulation », s’attriste Livason Rivonandriana qui, dans un dernier élan d’espoir, a décidé de vider ses fonds de caisse pour transformer la moitié de sa flotte en fourgons alors qu’il a déjà dépensé plusieurs millions d’ariary pour les mettre aux normes requises pour le transport de passagers. Comme ce transporteur, ils sont des centaines à s’endetter davantage pour essayer de trouver une échappatoire à cette situation qui perdure et dont le bout du tunnel ne se trouve pas au prochain virage.
Hary Rakoto