La Vérité (+) : Madagascar a obtenu des financements en centaines de millions de dollars dans le cadre de la lutte contre le coronavirus. Quels sont les mécanismes utilisés par le SAMIFIN pour suivre et contrôler les mouvements de capitaux dans le pays ?
Boto Tsara Lamina (=) : « Le SAMIFIN a été érigé pour lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Notre travail commence dès qu’il y a soupçon de détournement de capitaux. On ne peut pas s’ingérer dans la gestion de ces fonds puisque c’est le Gouvernement malagasy et les partenaires techniques financiers qui ont conclu un accord. Toutefois, nous commençons à travailler dès qu’il a soupçon de détournement de fonds, de corruption. Dans cette situation, nous diligentons une enquête et nous transmettons les résultats de l’enquête devant la Justice.»
(+) : Ce mécanisme est-il efficace ?
(=) : « Son efficacité dépend de l’usage qu’on en fait. En tout cas, c’est le mécanisme existant. La mission du SAMIFIN est définie par un cadre légal, il travaille dans ce cadre et ne peut faire autrement. Ce n’est pas parce que Madagascar a obtenu des financements que le SAMIFIN va effectuer un suivi ou un contrôle de l’usage de ces fonds. Notre mission se déclenche dès réception d’une déclaration de soupçon.»
(+) : Alors que fait le service au cas où il n’y aurait pas de déclaration de soupçon ?
(=) : « Même pendant cette période de confinement, on travaille toujours. On met en place des mécanismes pour prévenir des éventuels blanchiments de capitaux ou financement du terrorisme, avant même que l’infraction ne soit consommée. Et en cas d’infraction consommée, la phase enquête est déclenchée. La combinaison de la méthode préventive et l’enquête est efficace pour prévenir que ces aides financières ne soient détournées. Quoi qu’il en soit, le SAMIFIN continue à mener des enquêtes même si l’on se trouve dans une situation d’urgence sanitaire. La loi n° 2018-043 donne au SAMIFIN la compétence nécessaire pour mener des enquêtes financières même en l’absence de déclaration de soupçon.»
(+) : Dans le cadre de l’accomplissement des missions qui lui sont assignées, le SAMIFIN a-t-il accès à toutes les informations qu’il demande dans un contexte de transparence, venant du secteur privé comme du secteur public ?
(=) : « La transparence existe. C’est la base même de notre mission. Si nous n’avons pas accès à toutes les informations qui nous sont utiles dans le cadre de notre enquête, nous serons face à un nœud gordien. Cette situation est d’ailleurs renforcée par la loi n° 2018-043 dans l’article 18 alinéa 6 qui affirme que le service de renseignements financiers a accès à toutes les informations nécessaires à l’instruction du dossier. Et dans cette situation d’urgence sanitaire où les déplacements font l’objet d’une restriction, le SAMIFIN dispose de moyens technologiques pour réaliser ses missions. Nous avons une plateforme dénommée « gate way » où nous pouvons échanger des informations avec nos partenaires comme les banques. Nous avons procédé à une extension de nos partenaires comme la Gendarmerie nationale, la Police nationale, le BIANCO, le service des impôts, les douanes, le Trésor public. Et depuis le mois de mars, nous avons mis en œuvre une plateforme numérique centralisée. Il s’agit d’une base de données que l’on partage avec tous ces partenaires. »
(+) : Quelles sont les enquêtes en cours actuellement ?
(=) : « Nos activités ne sont peut-être pas visibles sur le plan médiatique mais nous travaillons toujours, même dans ce contexte de coronavirus. En tant que service de renseignement, nous ne sommes pas tenus de communiquer nos enquêtes. Mais je peux affirmer que le SAMIFIN travaille et œuvre toujours pour l’accomplissement des missions qui lui sont assignées dans le cadre légal. »
(+) : Et qu’en est-il de la publication des résultats des enquêtes ?
(=) : « Le SAMIFIN, en tant que service de renseignement, n’est pas enclin à publier les résultats de ses enquêtes. Nous sommes tenus par le secret de l’enquête et nous respectons l’indépendance de la Justice. Mais nous partageons les résultats de nos enquêtes avec nos partenaires comme le Pôle Anti-Corruption et nos partenaires que j’ai énumérés pour qu’ils puissent travailler en conséquence. Mais je peux dire que les affaires devant le PAC en matière de blanchiment de capitaux, par exemple, portent toujours les empreintes du SAMIFIN.»
Propos recueillis par Boaza