L’on dirait que le pays entier est en feu. Les feux continuent à ravager aires protégées et terrains boisés. L’allongement de la séquence sèche s’est produit en 2016-2017. Faute de débit suffisant, la rivière d’Ikopa cessait de couler à l’époque. Le phénomène a tendance à revenir dans des intervalles de temps assez étroits sous l’effet du réchauffement planétaire qui influe sur le cycle de l’eau.
Plus élevées
Selon les experts, les quantités de l’eau sur la planète Terre restent statiques. Seulement leur disponibilité varie suivant le temps et l’espace. Madagascar possède d’importantes ressources en eau. Mais leur répartition naturelle est inégale sur tout le territoire à cause de conditions géographiques différentes qui affectent la disponibilité de l’eau, souligne la Banque mondiale dans une étude présentée en 2016.
Selon le même document, l’île reçoit chaque année plus de 1 500 mm de précipitations, dont plus de 90% affluent entre novembre et avril. Les ressources en eau renouvelables disponibles par habitant sont estimées à 23 057 m3/habitant /an en moyenne de 2001 à 2013, soit l’une des plus élevées dans le monde, et 13 169 m3/habitant/an en 2012.
Hausse généralisée
Le secteur agricole utilise une moyenne de 14 340 hm3 d’eau (2012), généralement pour les besoins d’irrigation. L’approvisionnement en électricité utilise 5 470 hm3 d’eau, soit 11% de l’utilisation de l’eau. Les ressources renouvelables en eau sont estimées à 286 550 hm3, bien que l’indice d’exploitation de l’eau soit inférieur à 5%.
A l’aide de modélisations mathématiques, les experts nationaux ont avancé que les changements climatiques globaux projetés pour Madagascar incluent une augmentation des températures, une diminution des précipitations moyennes annuelles, même si une augmentation des précipitations est à prévoir pour diverses Régions de l’île ainsi qu’une hausse généralisée du niveau de la mer. L’actuelle occurrence de séquence sèche ne fait donc que confirmer les prévisions.
Pas significatives
D’après une météorologue, une augmentation des températures de 0,5°C à 1°C au cours des décennies 2010 et 2020 est prévue. Cette hausse serait de 1°C à 1,5°C vers 2050 et de 2,5°C à 3°C à la fin du siècle, aussi bien en été qu’en hiver. Les précipitations moyennes annuelles diminueront de 5% sur l’ensemble de l’île à l’horizon de 2100. Néanmoins, une augmentation de 5 à 10% des précipitations en décembre-janvier-février est prévue. Le maximum de hausse (10%) serait observé sur les Régions Atsimo Andrefana, Anosy et Androy.
Une diminution de 5 à 30% des précipitations serait par contre envisageable en juin-juillet-août. Le maximum de baisse (20 à 30%) serait prévu sur les Régions Atsimo Andrefana, Anosy, Ihorombe et Androy. Quant au niveau marin, une hausse de 0,1 m du niveau moyen de la mer sur la majeure partie des côtes malagasy est envisagée, à l’exception des côtes centre est où les variations ne seraient pas significatives.
Un autre phénomène
Selon des données scientifiques, le temps chaud et sec qu’il fait sur presque l’ensemble de l’île a des liens avec les phénomènes El Niño et La Niña dans l’océan Pacifique. Ils sont des dérèglements occasionnels du climat qui se traduisent par une inversion de grands courants océaniques et, dans le cas d’El Niño, une élévation anormale de la température dans les régions où prospèrent les récifs coralliens.
Cependant, il existe un autre phénomène participant également à l’élévation de la température de l’eau de mer dans l’océan Indien. Il s’agit du dipôle de l’océan Indien ou Indian Ocean Dipole, (IOD). Le Dr Toshio Yamagata, directeur de programme de recherche de variations de climat, professeur à l’université de Tokyo, Japon, en a fait la découverte en 1999.
Stockage des eaux
Peu d’informations sont encore connues sur l’IOD. Il est un phénomène du lien entre l’océan et l’atmosphère dans l’océan Indien. Il serait indépendant d’El Niño. La variation du climat due à l’IOD a des impacts importants sur le climat de l’Inde et des pays aux alentours suivant les anomalies de la température de la surface de l’océan Indien. Ce phénomène d’IOD touche également la partie nord de Madagascar.
La disponibilité de l’eau reste parmi les incidences les plus problématiques de l’allongement de la séquence sèche. Les réservoirs et les puits sont touchés. Le stockage des eaux de surface pourrait diminuer avec les pluies diluviennes et les glissements de terrain favorisant l’envasement et la réduction de la capacité des réservoirs.
Reboisement national
La disparition de la couverture végétale sous l’effet des feux, favorisés par l’allongement de la séquence sèche, en est une circonstance aggravante. Les racines des plantes jouent un rôle primordial dans l’infiltration des ruissellements dans le sol. Leur absence fait diminuer cette fonction naturelle à la base de la recharge des nappes phréatiques et des eaux souterraines. Le déboisement favorise aussi l’érosion du sol. Le cas de Tampoketsa d’Ankazobe peut offrir un exemple frappant.
Les quelque 1,2 million d’hectares de savanes boisées sont constamment affectés par l’érosion pluviale. Elle entraîne une perte de terre de l’ordre de 7 à 57 t/ha/an dans les parties boisées. Une simple augmentation de la température atmosphérique mondiale de l’ordre de 2,5°C suffirait pour provoquer un ensablement total des vallées de Tampoketsa aux alentours de 2100. Ce n’est pas pour rien alors que le pouvoir a choisi cette zone pour le lancement du reboisement national en janvier.
Coût exorbitant
Du coup, les populations sont de plus en plus vulnérables. Une meilleure gestion des ressources en eau est préconisée. La Banque suggère à Madagascar de développer ses capacités de stockage naturel des lacs et des zones aquifères afin de répartir équitablement l’accès à l’eau selon les besoins et transférer l’eau recueillie pendant les mois pluvieux de la saison sèche.
La capacité actuelle de stockage est à moins de 500 millions m3. La capacité des lacs artificiels s’élève à environ 429 millions m3, soit moins de 3% de la quantité d’eau prélevée pour l’irrigation agricole. La multiplication des lacs artificiels comme Mantasoa est en tête. Mais la réalisation du projet s’y rapportant a un coût exorbitant.
Manie
Dans tous les cas de figure, les humains, de par leurs pressions constantes sur la nature, sont eux-mêmes à l’origine de leur mal. « Mandrora mitsilany », disent les Malagasy si un auteur chinois d’expression française pointe du doigt la responsabilité individuelle face à une situation donnée. « L’on s’emmerde soi-même », soutient-il.
Que le phénomène s’appelle allongement de la séquence sèche, vague de chaleur, stress hydrique…, ses origines ne peuvent que provenir des humains eux-mêmes, y compris les Malagasy peu conscients des enjeux climatiques présents et futurs.
Instruits ou non, les habitants de l’île, pour la plupart, ont la manie de détruire le milieu naturel. Ce mauvais comportement est archi-connu dans le monde. Des fois, le monde a les yeux braqués sur l’île en raison de l’irrationnel collectif de certains des résidents.
M.R.