Il y a l’urgent et l’important. C’est aux décideurs de jongler entre les deux. En parlant du Sud en particulier, la question de l’eau se met au-dessus de toutes les solutions durables au problème de la sècheresse chronique frappant cette partie de l’île. Plus d’un million et demi d’habitants y sont sujets à la malnutrition. La situation ne promet pas de s’améliorer compte tenu de la détérioration des conditions climatiques marquées par des vagues de chaleur avoisinant parfois les 40°C.
Les pluies dont bénéficiait le Sud mardi étaient un grand soulagement pour les communautés meurtries par des mois de sècheresse prolongée. Les précipitations étaient telles que leur peine s’apaisa. Mais l’allégresse n’a duré qu’un temps. La brièveté de la jouissance interpelle une fois de plus les décideurs et les politiciens sur la priorisation des actions à entreprendre. Les ruissellements occasionnés par les pluies qui tombaient ne faisaient que passer.
Les quantités d’eau gracieusement envoyées par le ciel sont perdues pour de bon faute de dispositifs de stockage. Si chaque village est doté d’infrastructures à même de collecter une des quantités d’eau de pluie, cela résoudrait de façon significative le problème durant des moments. Compte tenu des conditions changeantes, le temps devient de plus en plus capricieux. Les mauvaises réparations des pluies sur le territoire et au cours de l’année en sont un signe évident.
En désuétude
Les impluviums conseillés par Marcel Decary dans un temps ont séduit. Ces types de stockage à usage familial enfouis sous le sable sont efficaces. Le coût élevé de leur construction est toutefois prohibitif pour les familles sans revenu stable. Un budget de 50 millions d’ariary est requis pour une unité capable de stocker 100 mètres cubes d’eau. La précarité quotidiennement vécue dans le Sud ne donne lieu à tous les ménages de se permettre le luxe d’en disposer.
Pour le Sud, la construction d’un grand nombre possible d’infrastructures destinées à stocker de l’eau doit être le top des priorités. Il fut un temps où leur création retenait l’attention des partenaires. Par exemple, sous l’impulsion de la FAO, des bassins étaient construits à Beraketa (Bekily) et à Manombo – entre Anosy et Androy – dans les années 70. Ils sont aujourd’hui tombés en désuétude. Leur réhabilitation sauvera à coup sûr des vies.
Des observateurs jugent incongrue l’attitude des politiciens face à la situation. Lors des face-à-face avec le Gouvernement, les députés sont prompts à implorer la construction des infrastructures de base. Il leur est légitime de le faire. Les dirigeants territoriaux sont aussi tentés de mettre en avant la construction des mêmes infrastructures. Mais, pour le Sud, la mise en place des dispositifs pour conserver l’eau s’avère incontournable afin de mieux faire face à la volatilité des pluies.
Héritage colonial
Le stress hydrique n’est plus un problème exclusif du Sud. Un tel désagrément a tendance à se nationaliser. D’autres régions en souffrent mais à des degrés variés. Le secteur agricole en particulier en pâtit. Les agriculteurs des grands bassins agricoles appellent au secours face à la rareté de l’eau. Mais les perturbations observées ici et là ne sont que les prémices des complications qui vont en s’accentuant à l’avenir, selon les prévisions.
La construction des barrages ou micro-barrages hydrauliques doit faire l’objet d’un programme d’envergure à intégrer dans le Plan d’émergence de Madagascar. En réalité, la construction des grandes infrastructures de ce genre date de l’ère coloniale pour ne citer que les barrages de Tsiazompaniry et de Mantasoa sur les Hautes Terres.
Lorsque la rivière d’Ikopa cessait de couler en 2016-2017, la ville d’Antananarivo et ses environs auraient été complètement à sec sans la réserve de Tsiazompaniry qui était drainée pour alimenter le lac de Mandroseza. L’héritage colonial sauvait donc les habitants de la Capitale et ceux de sa banlieue. C’est une belle leçon à retenir et à enseigner là où besoin est. L’accès à l’eau sera une vraie problématique d’ici quelques années.
M.R.