(+) : Si nous parlions de vos expériences en quelques phrases…
(=) : Personnellement, j’ai commencé très jeune à travers des associations au sein des églises depuis l’âge de 6 ans jusqu’à ce jour. Je suis une catholique pratiquante. Mais j’ai aussi commencé très jeune pour les associations féminines. Je suis contre l’injustice sociale. Je suis militante pour la prise de décision des femmes au sein des postes politiques et publics. C’est le dixième prix que j’ai reçu en 12 ans, depuis 2012. C’est presque tous les ans. En toute humilité et en toute modestie, ces prix sont en reconnaissance de ce que j’ai fait pour tout ce qui est mouvement pour la promotion du genre en politique, en développement et en lutte contre la violence basée sur le genre. Ce prix va beaucoup m’aider à persister dans ce sens. Cela nous donne tant d’encouragement. Il y a quand même des gens reconnaissants par rapport à notre engagement en faveur des femmes de par le monde.
(+) : Qu’en est-il du genre à Madagascar actuellement ?
(=) : Nous avons un regard attentif sur la participation féminine aux postes nominatifs et électifs. Nominatifs pour la désignation à des hautes fonctions de l’Etat. Electifs, ce sont les femmes candidates aux élections. Les 21 et 22 décembre, j’ai formé des femmes candidates aux prochaines échéances électorales. J’aime bien former les femmes. D’après le constat entre nos mains en ce moment, les départements ministériels comptent seulement 6% des femmes. Avec un diplôme égal, niveau intellectuel égal, les femmes perçoivent moins de salaire que les hommes. Pour les postes électifs, durant la transition, il y avait 24% des femmes au Congrès de transition. Ce taux est actuellement réduit à 17% sur les 151 députés à l’Assemblée nationale. Dans l’ancienne formation du Sénat, il y avait beaucoup plus de femmes. En 2020, il y en avait 18%. Il y a deux sénatrices. Mais l’une d’elles a été nommée ministre de la Justice. Les gouverneurs ont été à 18% des femmes. Nous avons un taux de 34 à 37% pour les femmes ministres dans le dernier gouvernement.
(+) : Mais l’accès aux postes électifs et nominatifs n’a jamais été facile pour les femmes ?
(=) : Les femmes ont des blocages à chaque élection. Dans certaines régions, les cultures les privent le droit de devenir des élues. Il est quand même des femmes qui essaient de faire le maximum afin d’accéder au poste électif. C’est le cas, par exemple, des députés de Tsihombe, d’Amboasary Atsimo et de Tolagnaro. Pour les postes nominatifs, il faut des femmes engagées, déterminées, prêtes mais aussi honnêtes, intègres et dignes pour apporter un grand changement pour ce pays afin que nous puissions réaliser les objectifs du développement durable à Madagascar.
(+) : Vous évoquez aussi souvent la notion de violence politique…
(=) : Je suis une femme inspirante car nous avons deux luttes à faire. Il y a la lutte contre la violence basée sur le genre. D’habitude, on parle de violence psychologique, économique, physique, conjugale, sexuelle, etc. Mais on entend rarement parler de violence politique électorale. Des femmes sont nées sans actes de naissance. Automatiquement, elles ne peuvent pas avoir de carte nationale d’identité. Elles ne peuvent pas donc avoir de carte d’électrice. Des femmes naissent et meurent sans être recensées ni connues. Des femmes participent activement à une campagne électorale sans pour autant avoir le droit de voter le moment venu.
(+) : Ce type de violence doit aussi concerner les femmes vis-à-vis de la vie des partis politiques ?
(=) : Quand on parle de violence politique, peu de femmes sont à la tête de partis politiques. Ce sont elles-mêmes qui ont créé leurs partis ou ont hérité des partis qu’elles dirigent. On peut citer quelques exemples : le parti Ampela Manao Politika de Dr Brigitte Rasamoelina, celui de Saraha Rabearisoa, celui d’Emma Rasolovoahangy, le Parti Social-démocrate fondé par le feu Président Tsiranana mais dirigé actuellement pas sa petite-fille Eliana Bezaza, le parti Arema fondé par le feu Président Didier Ratsiraka mais présidé par sa fille cadette Annick Ratsiraka. D’autres partis prennent quand même en considération les femmes. C’est le cas du HVM fondé par l’ancien Président Hery Rajaonarimampianina et du MMM de l’ancien ministre Hajo Andrianainarivelo. Dans les partis politiques, les postes importants reviennent presque toujours à la gent masculine.
(+) : Quid des femmes face au changement climatique pour terminer ?
(=) : Le changement climatique est un grand défi pour nous. A Maroc, j’ai fait en 2023 une présentation sur les « Femmes africaines résilientes face au changement climatique ». C’est une autre lutte pour nous. En sus de ce que nous faisons, nous avons à faire comprendre aux femmes et à les éduquer, mobiliser ainsi que sensibiliser sur les enjeux du dérèglement climatique. Selon le constat, les gens n’ont pas conscience de la gravité de la situation. Il nous faut une bonne dose de conscientisation.
Recueillis par M.R.