Les grandes enseignes se redressent, les petits restent au sol
Deux nuits ont suffi pour mettre à genoux une large partie de l’économie urbaine : magasins saccagés, entrepôts incendiés, emplois détruits.
Depuis, la reprise se dessine, timide mais réelle. Les enseignes Leader Price ont rouvert presque tous leurs magasins, sauf ceux gravement endommagés. Super U a relancé ses activités dans les sites épargnés, tandis que Cosmos Madagascar maintient des horaires réduits pour raisons de sécurité. La City a rouvert début octobre, et Tana Water Front prévoit une reprise au 1er novembre.
D’autres commerces, à Analamahitsy, Tanjombato, 67 ha ou Ankazomanga, restent en travaux.
Mais si les grandes chaînes, mieux assurées, peuvent se relever, les petits commerçants restent à terre. « J’ai tout perdu », souffle Miora, propriétaire d’un magasin de téléphones aux 67 ha. « Le stock, les étagères, la caisse… et mes cinq employés. Je ne sais pas si je pourrai les reprendre ».
Les premières estimations font état de 200 milliards d’ariary de pertes directes et de 2 000 emplois supprimés. Les commerces concentreraient près de 80 % des dégâts.
« En une nuit, j’ai perdu vingt ans de travail », confie un commerçant d’Ankazomanga, les yeux rougis par la fatigue.
Ces entreprises faisaient vivre tout un réseau invisible : artisans, livreurs, agents de sécurité, transporteurs. Même ceux qui ne travaillaient pas directement avec ces commerces subissent les retombées.
« Mon locataire, vendeur au China Mall, m’a annoncé qu’il partait. Il ne peut plus payer son loyer », témoigne Fitia Ratsimandresy, propriétaire de petits appartements à Ambodivona.
Des milliers de familles se retrouvent ainsi précarisées, bien au-delà des zones touchées.
L’économie urbaine à genoux
Les économistes parlent d’un effet domino. Au-delà de ces dégâts matériels, c’est tout un écosystème de petits emplois, de sous-traitants et de vendeurs ambulants qui s’effondre. Chaque commerce détruit entraîne la chute de plusieurs activités dépendantes : livreurs, grossistes, restaurateurs....
En appliquant les multiplicateurs usuels du commerce (1,3 à 1,4) et des services (1,4 à 1,6), les pertes globales s’élèvent à près de 264 milliards d’ariary.
Environ 880 emplois indirects sont menacés, en plus des 2 000 déjà perdus. Si l’on compte les familles concernées, près de 15 000 personnes pourraient être affectées.
Le tourisme, victime collatérale de l’image
L’impact dépasse les murs de la Capitale. Le tourisme, déjà fragilisé, subit une onde de choc. Les hôtels enregistrent des annulations massives, et plusieurs vols ont été suspendus.
Madagascar, qui comptait plus de 300 000 visiteurs étrangers en 2024, espérait retrouver son niveau d’avant-pandémie. Cette perspective s’éloigne.
Les opérateurs estiment une baisse de 20 à 30 % des arrivées, soit 36 à 54 milliards d’ariary de pertes supplémentaires. Les guides, artisans et chauffeurs en ressentent déjà les effets. « Les étrangers ont peur. On perd notre saison », résume sobrement un guide d’Andohalo.
Trois horizons pour la reprise
Les perspectives de redressement dépendront de la rapidité des aides et du retour de la confiance.
Un choc de confiance
La reconstruction ne se mesure pas qu’en briques et en vitres neuves. Elle suppose aussi de rebâtir la confiance et le lien social. Car le pillage de septembre a révélé plus qu’un désordre économique : un profond désarroi collectif.
A Alarobia, les rideaux de fer se relèvent lentement. Sous les néons vacillants, des femmes rangent des cartons, des jeunes repeignent les devantures.
« Tana se relèvera, mais pas seule », glisse un commerçant, le regard perdu vers la colline.
La Capitale panse ses plaies, en silence.