Publié dans Economie

Pénurie d’eau - Entre détresse et promesses de réhabilitation

Publié le dimanche, 14 septembre 2025

L’accès à l’eau potable est devenu une source de frustration pour de nombreux habitants de la Capitale. Malgré les efforts affichés par les autorités, une large partie de la population continue de souffrir d’une distribution irrégulière, voire inexistante dans certains quartiers. Cette situation met à rude épreuve la santé publique, mais aussi la dignité des citoyens qui, chaque jour, doivent lutter pour satisfaire un besoin fondamental : avoir de l’eau propre.

 

Des robinets à sec, une situation désespérée

Dans plusieurs quartiers périphériques d'Antananarivo, les robinets sont souvent à sec, obligeant les habitants à parcourir de longues distances pour accéder à des points d’eau publics, souvent bondés. Clara, une mère de famille vivant à Andranomena, confie son désarroi : « Nous n’avons de l’eau qu’une fois par semaine. Je dois me lever à 3 heures du matin pour remplir quelques seaux, mais ce n’est jamais suffisant pour toute la famille ».

Comme Clara, des milliers de Tananariviens doivent composer avec des restrictions sévères, sans savoir quand la situation s’améliorera. Dans les quartiers les plus touchés, les coupures peuvent durer des jours, voire des semaines, forçant les familles à se tourner vers des vendeurs privés. Mais ces solutions coûtent cher : « C’est devenu un luxe pour les plus pauvres, alors que l’accès à l’eau est censé être un droit fondamental », soupire-t-elle.

Face à cette réalité, le ministre de l’Eau, de l’Hygiène et de l’Assainissement, Lalaina Andrianamelasoa, reconnaît l’ampleur des difficultés. « Les infrastructures actuelles datent de 1927. Remplacer 64 km de canalisations est une tâche complexe, cela traverse des maisons, des quartiers, ou nécessite de casser des routes. On ne peut pas tout chambouler en un mois dans toute la Capitale », explique-t-il, insistant sur la nécessité de s’armer de patience.

Des infrastructures à bout de souffle

Le réseau de distribution, vétuste, n’a pas été modernisé depuis des décennies. Les conduites sont sujettes aux fuites, et les investissements pour les réparer ou les remplacer demeurent insuffisants. Jean, ingénieur à la JIRAMA, admet : « Le réseau est ancien. Il n’y a pas assez de moyens pour moderniser ».

Le ministre confirme ce constat : « L’année dernière, nous avons connu une crise difficile à maîtriser. Cette année, nous nous préparons à affronter à la fois la sécheresse et le remplacement des conduites, ainsi que les travaux de Mandroseza. Cela provoquera forcément des perturbations dans la distribution, et il faut s’y préparer sérieusement ».

Selon lui, le financement des travaux est d’ores et déjà assuré. « Pour Antananarivo, tout est déjà bouclé. Il ne s’agit plus de rechercher des fonds, mais uniquement de réaliser les chantiers », insiste-t-il.

Des forages et des solutions temporaires

Pour soulager les quartiers les plus affectés, la JIRAMA a multiplié les forages dans les zones périphériques. Ces initiatives permettent parfois d’améliorer l’approvisionnement, mais elles montrent vite leurs limites. L’eau pompée est souvent de mauvaise qualité, contaminée ou trouble.

Béatrice, habitante d’Amoronakona, témoigne : « Nous avons eu un forage installé près de chez nous, mais l’eau qui en sort est souvent trouble et sent mauvais. Nous ne pouvons pas la boire sans la filtrer ou la bouillir, ce qui demande du temps et des moyens ».

Le ministre nuance : « Nous avons ajouté des camions citernes pour assurer la distribution d’eau manquante, ainsi que des forages autonomes qui approvisionnent directement la population. Cela reste limité, mais c’est vital dans l’urgence ».

Les bonbonnes d’eau : un luxe pour les pauvres

La distribution de bonbonnes est une autre réponse temporaire. Mais elle est loin de convenir à tous. Rajo, un père de famille d’Ambohimanarina, raconte : « Les bonbonnes d’eau sont devenues notre seule source d’eau potable, mais elles coûtent plus que le raisonnable. Pour une famille nombreuse comme la mienne, c’est un coût difficile à supporter sur le long terme ».

Ici encore, l’inégalité se creuse. Ceux qui en ont les moyens achètent, les autres s’en passent ou consomment de l’eau insalubre.

Une qualité d’eau inquiétante

Au-delà de la pénurie, la qualité de l’eau inquiète les professionnels de la santé. Marie, infirmière à Anosibe, témoigne : « Nous voyons de plus en plus de patients souffrant de diarrhées, d’infections gastro-intestinales et d’autres maladies liées à l’eau. Les habitants n’ont souvent pas d’autre choix que de boire de l’eau non potable».

« L’ébullition est une solution, mais encore faut-il avoir assez d’électricité ou de charbon », ajoute-t-elle, soulignant l’impasse des familles les plus vulnérables.

Un calendrier ambitieux, mais incertain

Face à ces critiques, le ministre assure que les travaux suivent un calendrier précis. « Nous sommes dans une situation d’urgence. A Mandroseza, les travaux dureront environ deux ans. Toutes les stations de surpression vont être réhabilitées, et nous remplacerons l’ensemble des pompes et conduites. Les appels d’offres sont déjà en cours », détaille-t-il.

Concernant les nouvelles infrastructures, il ajoute : « Les travaux de la grande station de production d’Amoronakona commenceront en septembre. Le projet d’Ambohitrimanjaka est aussi en cours, même si certains aspects sociaux doivent encore être résolus ».

Surtout, le ministre avance un objectif clair : « D’ici un an, c’est-à-dire avant la saison sèche de 2026, nous devrions avoir stabilisé entre 65 % et 70 % de l’approvisionnement en eau à Antananarivo. Actuellement, un peu plus de 40 % de la population a accès à l’eau, mais de manière partielle. A l’étiage de 2027, nous visons une couverture de 95 % à 96 % ».

Initiatives citoyennes et ONG : un rôle limité

Face aux retards et à l’ampleur de la crise, les ONG et initiatives citoyennes tentent d’apporter un appui. Des puits sont creusés, des points d’eau installés. Hanitra, responsable d’une ONG, reconnaît : « Ces solutions temporaires aident, mais ne sont pas viables à long terme. Ce qu’il faut, c’est une refonte complète du système et une gestion durable des ressources ».

Le ministre lui-même admet l’importance d’une telle transformation structurelle : « La gestion de l’eau obéit à des procédures spécifiques. On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs », résume-t-il, rappelant que les délais sont inévitables.

Entre promesses et réalité quotidienne

Si les habitants espèrent voir leurs conditions de vie s’améliorer, beaucoup restent sceptiques. Clara, toujours en attente d’eau pour sa famille, se demande : « L’eau, c’est la vie. Si nous n’avons pas d’eau, comment pouvons-nous espérer un avenir meilleur ? ».

 

Pour elle, comme pour des milliers de familles, les travaux et les promesses du Gouvernement sont encore trop loin du quotidien vécu. Tant que les infrastructures ne seront pas réellement modernisées et que l’approvisionnement ne sera pas stabilisé, les habitants de la Capitale continueront de vivre avec l’angoisse des robinets à sec.

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Editorial

  • Et les taxis-bicyclettes ?
    Le conseil municipal de la Commune urbaine d’Antananarivo (CUA) offre un cadre légal aux taxi-motos à Tanà-Ville. Après avoir agi dans l’illégalité pendant au moins quatre ans, les professionnels de transport sur « deux-roues » ont finalement obtenu gain de cause. Les mesures de confinement décrétées en raison de la pandémie de Covid 19 en 2020 donnaient naissance à un nouveau mode de transport de passagers et de bagages plus pratique. Les transports en commun, pénalisés par les codes de conduite sanitaires, devaient céder la place aux déplacements individuels. La mesure implacable de confinement empêchant de se déplacer physiquement et en groupe donne lieu aussi à un nouveau mode de commerce : la vente en ligne et livrée à domicile.

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