Publié dans Politique

Assassinat de Ratsimandrava - Politisation et affaiblissement de l’institution militaire

Publié le mercredi, 10 février 2021


Voici les propos du Juvence Fabiency Ramasy dans sa thèse de doctorat en science politique présentée et soutenue le 26 mai 2010 à l’université de Toulouse I Capitole : « Après une tentative avortée de coup d’Etat en décembre 1974 sur l’initiative du colonel Bréchard Rajoanarison, et d’une demande de l’opposition, c’est-à-dire le Parti socialiste malgache (PSM), le Mouvement national pour l’indépendance de Madagascar (MONIMA), et le Mpitolona ho an’ny fandrosoan’i Madagasikara - Parti pour le progrès de Madagascar- anciennement parti pour le pouvoir prolétarien (MFM), réclamant l’instauration d’un gouvernement de coalisation, le Général Gabriel Ramanantsoa transmettait tous ses pouvoirs au profit du colonel de gendarmerie Richard Ratsimandrava, le 5 février 1975. Ce dernier fut assassiné par des éléments du Groupe mobile de police (GMP) quelques jours plus tard, soit le 11 février dans des circonstances qui restent encore non élucidées. »
Pleins pouvoirs
Beaucoup ont en effet tenté d’apporter un éclairage incontestable sur ce premier et dernier assassinat politique d’un Chef d’Etat à Madagascar sans y parvenir avec exactitude. A lire un écrit du Professeur Solofo Randrianja (2014), directeur de recherche à l’Institut d’études politiques à Madagascar, enseignant-chercheur à l’université de Toamasina et un membre du jury de Ramasy, le tragique événement s’accomplit dans le cadre de la politisation et de l’affaiblissement de l’institution militaire :
« Les militaires reprennent pratiques et artifices juridiques de la Première République après avoir capté à leur profit les bénéfices des mouvements de rue de 1972 et ceux du soulèvement paysan de 1971, contestation de la légitimité du précédent régime. Ceux-ci, pour rappel, militaient pour plus de démocratie. La transition vers la Seconde République tout comme le ‘recouvrement’ de l’indépendance, ne furent qu’une suite de manipulations des institutions sur le dos des citoyens, complices ou amorphes. La notion de ‘pleins pouvoirs’ fait son apparition à la chute de la Première République lorsque Tsiranana, le Président déchu, les confie à son chef d’Etat-major militaire. Mais ces pleins pouvoirs, les a-t-il jamais eus ? Aucun juriste n’est capable de les définir jusqu’à maintenant alors qu’ils reviennent épisodiquement lors des transitions et autres prises de pouvoir extra constitutionnelles. Ces fameux ‘pleins pouvoirs’, lorsqu’ils s’accompagnent de la déchéance des élus et de la mise au pas des juges et de l’appareil judiciaire, ne signifient pas autre chose que la mise en place d’une dictature. Même si les élus déchus ont été mal élus et même si l’appareil judiciaire n’a jamais été indépendant. Et toute dictature est toujours source de violence institutionnalisée venant de l’Etat d’abord et violence venant des citoyens qui n’ont que ce moyen pour s’exprimer.
Soldiers in mufti
« Les tensions au sein de l’Armée finissent par aboutir au transfert des ‘pleins pouvoirs’ du Général Ramanantsoa au colonel Ratsimandrava, qui sera le premier Chef d’Etat de l’époque contemporaine à se faire assassiner. En l’absence de toute explication officielle et malgré un ‘procès du siècle’, celle généralement admise plus ou moins implicitement est qu’étant descendant d’esclave, les ancêtres ne pouvaient pas le laisser diriger Madagascar ! Et le 11 février 1975, un quarteron d’officiers supérieurs autoproclamé directoire militaire s’institue à la tête de l’Etat. Le gouvernement formé par le colonel Ratsimandrava, le 5 février 1975, se dissout le 13 juin 1975 non sans avoir ‘élu’ le capitaine de frégate Didier Ratsiraka à la tête d’un Conseil suprême de la révolution, sorti du néant. »
« Les Forces armées vont ainsi se découvrir une vocation politique et devenir des acteurs politiques. Un membre des Forces armées, le colonel Richard Ratsimandrava, se voit attribué le pouvoir le 5 février 1975. A la suite de son assassinat le 11 février 1975, un directoire militaire dirigé par le Général Gilles Andriamahazo et composé de 18 membres fut mis en place. Madagascar se trouva en présence d’un régime militaire, des gouverneurs militaires furent placés à la tête des provinces accentuant ainsi la prétorianisation du système et la permanence des soldiers in mufti au sein de l’appareil d’Etat. Le remplacement du directoire militaire par le Conseil suprême de la révolution le 15 juin 1975 contribua au renforcement de la militarisation avec à sa tête le capitaine de frégate Didier Ratsiraka.
Livre Rouge
« L’entrée dans la République Démocratique de Madagascar se caractérisa par la politisation et l’affaiblissement de l’institution militaire. Afin de neutraliser cette dernière, Didier Ratsiraka en fit des militaires en uniformes (création des Forces armées populaires) en vue de l’application du ‘‘Livre Rouge’’. Si bien qu’il y a un abandon des fonctions classiques de défense du territoire. Dans la poursuite de sa politique, Didier Ratsiraka mettra à l’écart les ‘‘chefs historiques’’, c’est-à-dire ceux ayant occupé des postes de commandement de 1960 à 1975. La clientélisation des nominations et avancements fragilisa de plus en plus l’institution et contribua à une remise en cause de sa forme pyramidale. »
En 2010, Christian Feller et Frédéric Sandron de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) font le constat suivant : « Le 5 février 1975, le Général doit remettre les pouvoirs à un jeune colonel de gendarmerie Richard Ratsimandrava mais, six jours plus tard, celui-ci est assassiné. Pour lui succéder, le directoire militaire, constitué à la tête de l’État, suspend les partis politiques. Le 15 juin 1975, Didier Ratsiraka est élu Chef de l’État, chef du gouvernement et président du conseil suprême de la Révolution. Le 21 décembre, un référendum conduit à l’adoption d’une nouvelle constitution pour la nouvelle République de Madagascar, dont les principes fondateurs sont tirés du ‘Livre Rouge’ et constituent la charte de la ‘révolution socialiste malgache’. »
Loi martiale
En 2017, Mireille Razafindrakoto, François Roubaud et Jean-Michel Wachsberger de l’IRD apportent leur propre version en ces termes : « Ces événements conduisirent à la chute du régime et à un transfert quasi-légaliste du pouvoir. Tsiranana, tout en gardant la présidence de la République, remit les pleins pouvoirs au Général Ramanantsoa, militaire le plus gradé et le plus ancien dans le grade de Général, lequel organisa cinq mois plus tard un référendum par lequel les électeurs le placèrent à la tête de l’État. Ce dernier n’arriva cependant pas à assurer la stabilité politique. Coincé entre les revendications politiques des élites provinciales, sa loyauté envers l’oligarchie économico-politique merina et les pressions aux réformes économiques et politiques des partis maoïstes (MFM et MONIMA), il fut finalement conduit, après la rébellion du GPM (héritier des FRS), à remettre le pouvoir au colonel R. Ratsimandrava en février 1975. Six jours plus tard, ce dernier fut cependant assassiné, sans que les historiens n’aient réussi jusqu’ici à établir formellement qui étaient les commanditaires de ce meurtre. Un directoire militaire fut alors mis en place qui réussit à rétablir l’ordre public en réprimant par les armes la rébellion du GPM et en déclarant la loi martiale. »
Un mot sur le Fokonolona
La redynamisation du Fokonolona est une composante-phare de la politique du défunt colonel Ratsimandrava. Voici le point de vue de ces mêmes auteurs cités plus haut : « Le deuxième volet de la politique de développement visait à réformer les structures rurales. Porté par le colonel R. Ratsimandrava, ministre de l’Intérieur, il avait pour objectif le développement économique reposant sur une forme de décentralisation, en accordant aux communautés rurales traditionnelles (Fokonolona) plus de liberté de choix et d’organisation (en leur accordant notamment le contrôle des terres non cultivées) et en restructurant l’administration de manière ascendante, des cellules de base jusqu’au niveau national. »
Amnistie et hommages
L’article premier de l’ordonnance 75-012-O/D portant amnistie du 15 mai 1975 dispose en ces termes : « A l’exception de l’assassinat, la tentative d’assassinat et la complicité de ces crimes commis sur la personne du co1onel Richard Ratsimandrava et autres, sont amnistiés les faits constituant des fautes disciplinaires, des infractions d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat ainsi que les infractions connexes commis en décembre 1974, janvier et février 1975. »
Le colonel Richard Ratsimandrava sera élevé au grade de Général de brigade à titre posthume le 15 juin 1975.
Depuis 2014, la date du 11 février est déclarée jour de recueillement au même titre que le 29 mars pour la nation tout entière afin de rendre hommage aux gendarmes décédés en activité dans le cadre des services commandés.
Recueillis par M.R.

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Editorial

  • Souci national
    L’équipe nationale de football, les Barea, touche le fond. Soit ! Un fait, une réalité que personne ne contredit point. Pas besoin d’une longue démonstration par A + B pour le constater. Il suffit de voir, d’écouter et de lire pour s’en rendre compte. Situation catastrophique qui défraie la chronique. En fait, notre Onze national devient un problème national, une honte nationale. Bref, un souci national que même les moins fervents au ballon rond en parlent.Le dernier match des Barea contre nos voisins les Cœlacanthes au cours duquel l’équipe nationale concéda la plus lourde des défaites avec un à zéro balaie définitivement nos espoirs. Un échec qui confirme le classement de la CAF comme quoi Madagasikara se trouve derrière les Comores. La « Grande terre », le dernier de la classe, est l’ombre d’elle-même !Le sport, la grande fenêtre qui ouvre un pays vers le monde extérieur, un tremplin qui…

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