La Transparency International – Initiative Madagascar (TI-MG) et l’ONG Tolotsoa plaident en faveur de l’adoption par voie d’arrêté interministériel du Pacte d’intégrité corporelle dans l’éducation et l’enseignement supérieur (PICEES) afin de le rendre obligatoire dans tous les établissements scolaires et universitaires malgaches. C’est le moyen proposé par ces deux organisations de prévenir la corruption sexuelle en milieu scolaire et universitaire au pays.
Cette forme de déviance – car en marge ou en dehors de ce qui est permis – apparaît comme un fléau. En effet, la corruption sexuelle demeure prévalente en milieu scolaire et universitaire à Madagascar. En 2021, la TI-MG a réalisé une enquête sur l’état des lieux dans les Régions Analamanga, Diana et Atsinanana. L’organisation a complété vers la fin de 2022 cette étude avec de nouvelles données collectées dans les Régions Boeny et Atsimo-Andrefana.
Dans le rapport dont la copie est maintenant disponible en ligne, la TI-MG souligne que la corruption sexuelle n’est pas un phénomène nouveau à Madagascar. Selon elle, ce groupe de mots sous-entend l'utilisation du sexe comme monnaie d’échange dans la pratique de la corruption. L’expression ne s'éloigne pas vraiment de la "promotion-canapé" beaucoup plus connue dans le monde professionnel.
Recommandations
Elle rappelle aussi que, en 2018, le Bureau indépendant anticorruption avait élaboré une première étude diagnostique sur la question, assortie de la production d’outils de sensibilisation. La TI-MG a continué sur cette lancée à travers son projet de lutte contre la Corruption sexuelle (CORSEX) phase 1 en 2021 et la phase 2 (CORSEX-EDU) au cours de l’année 2022.
Le projet a été réalisé en collaboration avec l’ONG Tolotsoa et avec l’appui de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et de la Coopération française. Les résultats de l’étude sur la situation de la corruption sexuelle dans les secteurs de l’éducation et de l’enseignement supérieur dans les Régions Analamanga, Atsinanana et Diana ont été présentés le 28 septembre 2021 à l’Hôtel Colbert Antaninarenina tandis que les résultats pour les Régions Atsimo-Andrefana et Boeny ont été présentés à l’Hôtel Radisson Blu le 11 novembre 2022. Des recommandations pour la sensibilisation et la prévention de cette forme de corruption ont été partagées lors de ces ateliers.
Valeur absolue
En 2021 et 2022, 8 501 personnes ont été interviewées lors des enquêtes menées par TI-MG, dont 2098 à Analamanga, 1 805 à Atsinanana, 1 550 à Diana, 1 174 à Boeny et 1 424 dans l’Atsimo-Andrefana. Principalement ciblées par ce projet, les femmes représentent 67% de l’échantillon des personnes enquêtées. Sur les 8 501 des répondants, 4 936 reconnaissent l’existence de la corruption sexuelle en milieu éducatif ou universitaire, soit 62% d’entre eux.
Les femmes perçoivent légèrement moins la corruption sexuelle par rapport aux hommes avec des pourcentages respectifs de 61% et 64%. Les victimes de corruption sexuelle sont plus nombreuses dans la Région Diana par rapport aux autres régions (9%, soit 146 personnes).
En valeur absolue, les étudiants sont les plus nombreux à rapporter un cas. Par contre, les enseignants sont les plus touchés en termes de proportion : 6% d’entre eux ont été victimes contre 4% des étudiants. Concernant les étudiants mineurs, ils commencent apparemment à subir le fléau à partir de la classe de sixième.
Témoignages poignants
Les bonnes notes sont les premières contreparties proposées par les instigateurs avec plus d’un cas sur trois de corruption sexuelle les impliquant (36%). L’argent sous forme d’aide financière est également souvent mis en cause (26%). L’admission à un examen ou à un concours intervient également à hauteur de 20%.
A l’université, la corruption sexuelle reste la monnaie d’échange en contrepartie de meilleures notes aux examens. Les investigations menées par le réseau Malina ont révélé des témoignages poignants à Atsimo Andrefana : des adolescentes obligées de quitter le collège pour fuir les pressions pour corruption sexuelle de leurs professeurs, des étudiantes contraintes d’offrir des faveurs sexuelles en contrepartie de meilleures notes aux examens ou de l’accès aux sujets d’examens, etc. L’Omerta constitue le point commun de ces cas : la peur des représailles, la honte, la pression sociale dissuadent les victimes de porter plainte.
Recueillis par M.R.