Publié dans Politique

Jean-Claude de l'Estrac - « Madagascar était l'eldorado de l'océan Indien… »

Publié le jeudi, 02 février 2023

"Le miracle mauricien" était ce soir le thème de la conférence de Jean-Claude de l'Estrac, ancien ministre de l'île Maurice, ancien secrétaire général de la Commission de l'océan Indien, invité d'honneur du carrefour des entrepreneurs de l'océan Indien. Selon lui, dans les années 60, Maurice était plus pauvre que Madagascar. Maurice ne produisait que du sucre de canne.... et des enfants. Les Anglais avaient créé des écoles primaires et quelques collèges. Les jeunes mauriciens venaient faire leurs études à Madagascar où la France avait créé et soutenait une très bonne université.

Ils rencontraient ici des jeunes réunionnais et africains, attirés par les promesses de Madagascar. Madagascar était à l'époque beaucoup plus développée que l'île Maurice : routes de meilleure qualité, industrie locale, université, hôpitaux... Maurice n'avait que deux richesses : sa ressource humaine et sa diversité culturelle, liée à son peuplement : créole, malagasy, français, britannique, indien, chinois,... Maurice a joué la carte de l'ouverture aux étrangers, apporteurs de compétences et d'investissements. Maurice a assuré à ces investisseurs étrangers la sécurité d'institutions publiques stables et démocratiques, d'une justice indépendante et l'accès à la propriété foncière : les administrations mauriciennes avaient et ont toujours pour instruction de ne faire aucune différence de traitement entre les usagers quelle que soit leur origine ou leur nationalité. Maurice a sollicité le soutien des bailleurs de fonds internationaux qui ont exigé une gestion publique transparente et rigoureuse. Même impopulaires, leurs exigences ont été non seulement acceptées mais considérées comme bénéfiques et salutaires par les dirigeants de l'époque. Battus aux élections suivantes, l'histoire leur a donné raison car ils ont créé les conditions qui ont permis le développement. Maurice s'est lancée dans l'industrie textile à grande échelle et a formé sa population qui est devenue très performante. Un système fiscal transparent a été mis en place, notamment avec la TVA, pour tous les commerces, sans distinction de chiffre d'affaires. Tous les Mauriciens paient des impôts au taux unique de 15%. Puis la diversification industrielle et ensuite le tourisme ont marqué de nouvelles étapes, jusqu'au développement des services. Aujourd'hui, les Mauriciens ont des revenus similaires à ceux de plusieurs pays européens. 

Quelles leçons en tirer pour Madagascar ?

En réponse aux questions de la salle, Jean-Claude de l'Estrac indique clairement la voie : la première condition est un débat libre entre les citoyens de ce pays pour qu'émerge un consensus sur un projet et sur des dirigeants ayant vraiment la volonté de développer leur pays. Ensuite, il faut avoir le courage de mettre en place un système fiscal simple et clair pour élargir au maximum le nombre de contribuables et pour financer des services publics et des infrastructures de qualité, sans dépendre des bailleurs de fonds. Le système douanier doit être plus favorable à la valorisation des matières premières locales. Taxer puis interdire l'exportation de matières premières brutes qu'on peut transformer localement. Taxer l'importation des produits de base qu'on peut cultiver ou fabriquer localement. Moins taxer l'exportation de produits transformés. L'État doit se concentrer sur ses missions : les routes, l'éducation, la santé, la justice, la sécurité et favoriser sincèrement et concrètement les investisseurs étrangers. L'État ne doit pas interférer dans les affaires. L'exemple actuel de la vanille montre bien que l'intention d'aider les producteurs en fixant un prix plancher n'est pas réaliste. Les clients étrangers vont acheter ailleurs. Dans notre région, qu'il appelle l'Indianocéanie, Jean Claude de l'Estrac considère que Madagascar a le plus grand potentiel, par sa surface, de ressources naturelles et surtout humaines. Le drame de Madagascar a été la malgachisation de l'enseignement et de l'économie, le repli sur soi, la fermeture du pays. Il fallait certes enseigner la langue du pays, mais garder le français et ajouter l'anglais et même d'autres langues. A Maurice, le français et l'anglais sont obligatoires et une douzaine d'autres langues sont enseignées, dès le primaire. Quand il était secrétaire général de la Commission de l'océan Indien, Jean-Claude de l'Estrac a beaucoup travaillé pour faciliter les relations entre nos îles. Mais jusqu'à maintenant, il n'a pas encore perçu la volonté des dirigeants de Madagascar d'ouvrir véritablement leur pays aux investisseurs pour le développer, en commençant par les Mauriciens et les Réunionnais. Il faut encore espérer que cette volonté s'exprimera aux prochaines élections. C'est bien le rôle du carrefour des entrepreneurs que de favoriser les rencontres et ce débat.  

 

Hary Rakoto

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Editorial

  • Déficit de confiance
    Les investisseurs boudent. Apparemment, ils hésitent mille fois et réfléchissent soixante-sept fois avant de débarquer sur la Grande île pour placer sinon fructifier leurs précieux capitaux. La directrice générale de l’Economic development board of Madagasikara (EDBM), Josielle Rafidy, devait avouer récemment et publiquement que les investisseurs, du moins les vrais et potentiellement importants, tardent à venir au pays. L’EDBM est l’agence nationale chargée de promouvoir les investissements à Madagasikara. De ce fait, l’EDBM a pour objectif de renforcer la compétitivité du secteur privé, d’accroître l’investissement privé et étranger direct et d’accompagner les investisseurs. A ce titre, l’EDBM propose des services qui pourraient être utiles aux investisseurs tels que des conseillers spécialisés et un guichet unique dans l’objectif précis de faciliter l’implantation et l’expansion des entreprises. En somme, tout y est pour accueillir, comme il se doit, les investisseurs ayant choisi la Grande île pour placer et pour fructifier leur argent.…

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