Les ondes de choc « Donald Trump » atteindront Madagascar. Le changement est une question de temps comme l’est le changement climatique. La décision du 47e Président américain de retirer son pays de l’Accord de Paris, destiné à combattre le réchauffement planétaire, ne laisse personne insensible.
Pour avoir participé à deux Conférences des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP), l’ancienne ministre de l’Environnement et du Développement durable, Dr Baomiavotse Vahinala Raharinirina, enseignante-chercheure à l’université de Fianarantsoa et non moins experte internationale en développement durable, transition écologique et changement climatique, a son mot à dire par rapport à la nouvelle donne.
« Est-ce dramatique pour le climat et pour les pays vulnérables au changement climatique ? », s’est-elle demandée. « Premièrement, il ne s’agit pas du premier retrait des Etats-Unis. Il va falloir s’en accommoder presque. Le Président Trump l’avait déjà fait durant son premier mandat pour montrer son profond désaccord avec l’administration Obama », a-t-elle répondu à sa propre interrogation.
C’était en effet le Président Joe Biden qui, arrivé au pouvoir, a de nouveau ramené l’Amérique sur la table des négociations climatiques, tentant difficilement de reprendre le leadership sur le sujet. Par la suite, il est important de rappeler que les Etats-Unis représentent à eux seuls la deuxième économie la plus émettrice de gaz à effet de serre.
Ils sont les gros pollueurs. Sur le principe du pollueur-payeur, ils devraient donc être parmi les plus gros contributeurs. Que ce soit pour le Fonds vert pour le climat ou pour le Fonds perte et dommage, qui vient d’être mis sur pied. « En se retirant de l’Accord de Paris, il n’y a donc rien à attendre d’eux. Personne ne peut les obliger à quoi que ce soit », a dit l’ancienne locatrice d’Antsahavola.
« Le Président Trump l’a annoncé : ils vont forer, forer et forer (gaz et pétrole). C’est le grand retour de l’économie carbonée pour la deuxième puissance économique mondiale. Avec ceci, il faut rajouter la conquête de l’univers, sous le leadership d’Elon Musk et Jeff Bezos, qui voient un avenir multi-planétaire. Ils tiennent à leur conquête spatiale et ils ont investi plus dedans que dans l’aide au développement si on regarde les statistiques de ces cinq dernières années », a poursuivi la scientifique malagasy.
Est-ce dramatique ? Doit-on s’en inquiéter ? Peu de voix du côté des pays du Sud et des pays les plus vulnérables ne semblent être audibles aujourd’hui. « En tant qu’ancienne négociatrice pour le continent africain et les Etats insulaires, mais aussi en tant qu’experte internationale pour le compte des pays vulnérables et des pays moins avancés, je partage ici mon inquiétude, non pas pour le financement de l’adaptation au changement climatique de nos pays, même si oui, c’est aussi le nerf de la guerre, mais pour l’avenir de la Maison commune. »
« Nous vivons sur une seule planète où il est rappelé depuis 1972 (lire le Rapport Meadows et les rapports du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat ou GIEC) que les actions des uns influencent les autres et leur devenir. Le climat s’affole complètement aujourd’hui, que ce soit aux Etats-Unis, à Madagascar, aux Maldives, au Japon ou au Brésil. ‘We are One’. Néanmoins, les conséquences sont plus chaotiques pour les uns, moins coûteuses pour les autres. »
« L’Accord de Paris, c’est le multilatéralisme par excellence. C’est régler ensemble des problèmes communs, avec des responsabilités et des devoirs, des droits aussi. Le multilatéralisme n’est pas parfait. Loin de là. Mais hors de ce cadre, c’est la loi de la jungle et l’impossibilité pour des pays comme le nôtre de négocier convenablement et d’être écoutés. »
« Le retrait des Etats-Unis est dramatique. Mais il faut avancer sans eux et espérer que les efforts des uns vont compenser ce recul car il s’agit d’un vrai recul pour la bataille que nous avons engagée ensemble, entre les nations, pour nos générations futures. L’espérance sera le remède. Continuer à avancer avec un gros handicap. Tout en restant optimiste. Continuer à y croire à cet éveil des Nations. Je suis d’avis que l’interdépendance soit rappelée encore et encore. Beaucoup l’oublient. Je reprends ici la phrase culte du Président Jacques Chirac : ‘‘Notre maison brûle et nous regardons ailleurs’’. »
Recueillis par M.R.