Et maintenant que le Chef de l’Etat s’avance pour les mettre en œuvre, on fait clairement comprendre qu’on ne l’y autorise pas. Donc, ce n’est pas un revers ni pour le Président ni pour le Gouvernement si on tente par tous les moyens de leur mettre des bâtons dans les roues, c’est un revers pour le peuple malagasy et pour le pays à qui on fait donc perdre des mois précieux. Ne comprend-on donc pas que qu’il est urgent de donner plus de pouvoirs aux dirigeants des collectivités territoriales décentralisées pour qu’ils puissent réaliser, chacun dans leur région, les programmes prévus dans la Politique générale de l’Etat ? Ne comprend-on pas qu’il est urgent de supprimer le Sénat qui est trop budgétivore alors que les impacts de son existence ne se font pas, mais pas du tout sentir par la population ? Avons-nous pensé une seule seconde à l’économie que nous pourrions faire et qui serait affectée à des projets plus significatifs dans la vie de la population ? Avons-nous pensé à tous nos jeunes, dans la Capitale ou dans les régions, qui ne peuvent se permettre de continuer leurs études après le bac parce que les instituts universitaires sont trop loin ou encore inaccessibles par leurs coûts ? Autant de questions se posent après cet avis de la HCC, nous devons sérieusement réfléchir si tout le monde veut vraiment que notre pays se développe
(+) : Oui mais vouloir développer le pays ne signifie pas qu’il faut passer outre les prescrits constitutionnels…
(=) : Quand la HCC dit que le pouvoir de légifération par voie d’ordonnance ne permet au Président de la République de procéder à un référendum constitutionnel et qu’il faudrait ainsi attendre que l’Assemblée nationale soit à nouveau opérationnelle, il faut se rappeler que l’article 55 de la constitution actuelle dans son alinéa 5 est plus que limpide, « le Président de la République peut, sur toute question importante à caractère national, décider en Conseil des ministres, de recourir directement à l’expression de la volonté du peuple par voie de référendum ». J’attire votre attention sur le terme « directement » qui y est clairement spécifié, et pour le comprendre, je me réfère à ce que des juristes éminents, dont un certain Jean Eric Rakotoarisoa, avaient eux-mêmes écrits en octobre 2010 comme annotation(*) sur cet article, « le référendum permet à l’Exécutif de consulter les citoyens sur une mesure prise ou qu’il compte prendre (révision de la constitution par exemple) et pour lequel il souhaiterait avoir leur avis (…) ». L’exécutif peut donc clairement consulter les électeurs, il n’y est indiqué nulle part que la consultation n’est finalement pas directe mais doit d’abord passer par les représentants de ces citoyens. D’ailleurs, pourquoi doit-on encore consulter ses représentants si on peut consulter directement le peuple ? Voyez-y une logique si vous pouvez…
(+) : Quid de l’article 162 alinéa 2 alors ?
(=) : L’Assemblée nationale n’est pas encore opérationnelle et le Sénat quant à lui ne peut objectivement pas être consulté. Pensez-vous honnêtement que les sénateurs vont approuver une décision qui consiste à dissoudre leur institution et donc supprimer tous les avantages dont ils bénéficient ? Vous me diriez qu’il s’agit d’une disposition constitutionnelle et que la HCC ne peut que s’y conformer dans son avis. Soit, mais nous sommes bien d’accord qu’en tant que juridiction juridico-politique, la HCC a montré à plusieurs reprises qu’elle n’a pas pris que des décisions strictement juridiques. Par exemple, elle pouvait bien fermer les yeux sur la déchéance qu’aurait dû frapper l’ancien Président quand il n’avait pas mis en place la Haute Cour de justice dans le délai prescrit par la Constitution, elle a même imposé des solutions extraconstitutionnelles pour que le Président reste à son poste à l’époque. Il faudrait donc s’interroger à quelle occasion la HCC tranche-t-elle strictement sur la base de la constitution et quand elle peut décider de sortir du cadre constitutionnel et prendre des décisions purement politiques.
(+) : Il n’y a pas eu que la HCC qui s’est donc opposée au projet de révision de la constitution, le KMF-CNOE aussi a élevé la voix ainsi que certains politiciens de l’opposition ?
(=) : Il y a une chose que je cherche toujours à comprendre, je me rappelle que les mêmes entités que vous avez citées ont fustigé durant des années cette constitution en ironisant qu’elle n’est pas légitime car votée avec des carnets de fokontany. Et maintenant que l’on veut la réviser, en clarifiant notamment les dispositions dont les diverses interprétations ont créé des confusions indescriptibles et fortement nuisibles au pays, elles s’y opposent avec hargne. Je rappelle juste au passage que le KMF-CNOE était même réalisateur des annotations faites sur le projet de constitution de 2010, donc parfaitement au courant de l’incohérence de la position qu’avaient adoptée certains juristes à l’époque par rapport au revirement constaté actuellement.
(+) : Que va donc faire l’Exécutif après cet avis de la HCC ?
(=) : Le Président de la République l’a dit, il respecte cet avis même s’il déplore le fait que le droit du peuple malagasy à choisir son destin a été bafoué. Vous voyez à quel point il est soucieux de l’Etat de droit et du principe de la séparation des pouvoirs ? Il aurait pu passer outre cet avis, en reprenant les arguments fallacieux chers aux anciens dirigeants selon lequel « l’avis de la HCC ne lie pas l’exécutif, étant un simple avis qui ne s’impose donc pas comme une décision », ou encore aurait-il pu user de tous les moyens pour tenter d’influencer les hauts conseillers comme ses prédécesseurs avaient l’habitude de faire, mais il ne l’a pas fait. Dans tout cette histoire, le grand perdant encore une fois est le pays tout entier et je fais mienne la sage déclaration que le Président Rajoelina a faite en réaction à cet avis, « l’intérêt supérieur de la Nation et le bien du peuple doivent primer sur toutes autres considérations et querelles politiques ». Dommage qu’on a fait rater à Madagascar son rendez-vous avec son histoire, nous aurons donc perdu des mois précieux qui nous auront pourtant fait avancer d’un très grand pas vers une meilleure considération des régions. Chacun doit assumer ses responsabilités devant l’Histoire.
La Rédaction