Publié dans Politique

Mamisoa Fredy Andriamalala - « La Cogestion des îles Eparses  n’est ni un Système de « Protectorat », ni une participation de la France à la propriété partielle ou complète »

Publié le jeudi, 27 juin 2019

Dans le cadre de la célébration de la fête de l’indépendance, la gestion des îles Eparses revient toujours sur la table de la discussion. Mamisoa Fredy Andriamalala, Docteur en Sciences politiques (politiques publiques) et diplômé de Recherche en économie du développement et Professeur de Finances publiques et d’Economie des Politiques publiques au département Economie de l’Université d’Antananarivo, nous livre une analyse économique, politique et diplomatique exclusive sur ce sujet. D’ailleurs, son ouvrage intitulé les « Chemins de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale et les Politiques Publiques associées », de 1.500 pages réparties en trois tomes, qui vient d’être publié apporte des éclaircissements sur les Politiques de développement dont la diplomatie économique. Contrairement à ce que l’on croit, cette cogestion ne remet pas en cause la souveraineté de l’Etat. Interview.

La Vérité (+) : Qu’est-ce qui vous motive à vous exprimer sur le sujet délicat « Cogestion des îles Eparses » ?
Mamisoa Fredy Andriamalala (=): Ma réflexion est un devoir universitaire de citoyen de bonne volonté. Elle propose essentiellement de rejeter toute idée ou tentative d’immobilisme dans la gestion des choses publiques  pouvant nuire l’intérêt de Madagascar à l’échelle internationale. De ce fait, il est un devoir de ne pas fermer les yeux et d’apporter des contributions modestes pour lancer un vrai débat sur le devenir des îles Eparses appartenant à l’Etat malgache.  
Au vu et au su du monde entier que les résolutions prises par le système des Nations Unies en 1979 sur la restitution des îles Eparses à l’Etat malgache restent une lettre morte, sans portée ni pratique ni politique concrète. C’est l’impasse du juridisme international. C’est dans ce contexte qu’il faut lancer le débat pour trouver une alternative dans le cadre de l’accord de principe relative à la résolution de problème sur ces îles, déclaré conjointement par le Président de la République de Madagascar et son homologue français.


Ainsi, il est utile d’apporter des éclaircissements techniques et politiques sur les questions relatives aux îles Eparses qui font  l’objet d’un vif débat de contestation dans la sphère politique à Madagascar. La question qu’y surgit se résume comme suit : Est-ce que la Cogestion est-elle applicable et pertinente pour gérer les îles Eparses qui font partie intégrante du territoire de Madagascar, un pays souverain ?
(+) : Qu’est-ce qu’exactement la cogestion ?
(=) : D’abord, la Cogestion est un des outils de la Nouvelle Gestion Publique (New Public Management). Il s’agit de transposer le mode de gestion privé dans la gestion des affaires publiques pour optimiser la gestion des affaires publiques. La cogestion est une des formes de gestion participative, souvent utilisée au sein d’une entreprise ou organisation ouverte. La gestion participative peut être définie comme un mode de gestion utilisant un ensemble d’instruments techniques visant à faire partager le pouvoir décisionnel et à renforcer l’assise financière afin de responsabiliser l’ensemble des acteurs dans la poursuite des objectifs organisationnels.  La gestion participative peut concilier la participation financière et la participation à la gestion.
(+) : Comment mettre en place un système de Cogestion  des îles Eparses s’il est inévitable de l’appliquer?
(=) : La Cogestion ne s’applique pas sur une réalité homogène. Les instruments de participation sont conçus, par conséquent, sur la base d’un contexte particulier dont il faut tenir compte lors de la phase d’implémentation.
Ainsi, il semble opportun de rappeler que La France et Madagascar, deux pays désireux de travailler de manière participative à la gestion des îles Eparses doivent choisir les modalités d’application s’adaptant à la réalité.  De plus, l’intensité de la participation dans la gestion de ces îles Eparses peut aussi être prise en considération.
(+) : Est-ce un mode de gestion rigide ?
(=) : La cogestion  est un instrument évolutif. Elle repose à la fois, en effet, sur deux éléments:
D’une part, l’engagement et la volonté de la France et de Madagascar de travailler ensemble dans la  valorisation des Iles éparses,
D’autre part, sur des facteurs externes liés à l’évolution économique, technologique,  sociale et politique.
Les interactions entre ces deux éléments peuvent à tout moment modifier l’équilibre de l’organisation et demander un ajustement de la cogestion mise en place.
(+) : Est-ce qu’il existe un pré-requis exigé à l’implémentation de la Cogestion des îles Eparses ?
(=) : Les autorités qui désirent implanter un système de management participatif des îles Eparses se doivent d’être attentives à certains pré-requis, en particulier la négociation qui débouche à une Convention.
En effet, la cogestion n’est pas un cadeau fait à la France mais une façon nouvelle et dynamique de renforcer les relations économique et diplomatique entre Madagascar et son ancien pays colonisateur. Ainsi, elle doit être considérée comme un mode novateur de collaboration.
Vu sous cet angle, introduire une Cogestion des îles Eparses équivaut à procéder à une nouvelle répartition du pouvoir décisionnel. Il est donc primordial de débattre avec la France la forme que prendra ce nouveau mode de management et de pourvoir le négocier.
Cette phase de négociation s’effectue dans un cadre organisé et clairement délimité. De plus, la cogestion implique de la part des deux pays qu’elle assure au sein de ces îles un esprit valorisant la souveraineté  de Madagascar, en tant que pays propriétaire légal et légitime.
Le climat dans lequel s’opèrera le passage vers une décision de cogestion est un élément fondamental de réussite.  Il est essentiel de prévoir une structure d’organisation flexible de la cogestion afin d’assurer une large interdépendance entre ces deux pays, une nouvelle répartition du pouvoir et une grande transparence de gestion.
(+) : Quel est le processus d’implémentation de la dite Cogestion des îles Eparses ?
(=) : La mise en place de la cogestion est un processus qui s’inscrit dans le temps. Afin d’atteindre au mieux l’objectif visé à l’application de ce mode de gestion, les autorités concernées devront être particulièrement à l’écoute et ne pas hésiter à réorienter le projet initial, à l’expliquer et le cas échéant à retarder sa mise en œuvre opérationnelle selon le contexte économique et politique.
La décision devra être particulièrement attentive à respecter l’analyse des attentes mutuelles de ces deux pays désireux de cogérer les Iles éparses. Il doit que la cogestion tiendra compte certains éléments tels que l’identification du besoin, la faisabilité du projet, la sensibilisation de la population ou de ses représentants, la mise en place d’un comité qui accompagnera le projet pilote, le diagnostic de la situation, la diffusion des résultats et des propositions, le suivi et évaluation du projet, etc.
(+) : Donc, vous en tant que spécialiste, quelle est votre recommandation pour gérer et valoriser les îles Eparses ?
(=) : La participation aux résultats est une forme de Cogestion. Elle consiste à intéresser la France aux résultats de l’exploitation économique de ces îles Eparses en lui demandant de fournir les investissements nécessaires. Elle peut s’effectuer par plusieurs modalités, entre autres, par le moyen de la participation aux bénéfices selon un pourcentage prédéfini. La forme de participation complète implique le rachat des îles Eparses par la France où la France souhaite gérer les îles Eparses sous tous ses aspects : production, financement, etc.
La participation partielle permet à la France de devenir copropriétaire des îles Eparses dans lesquelles elle utilise son argent ou ses entreprises.
La participation de la France à la propriété que ce soit partielle, soit complète, est inadmissible.
Pourquoi ? Parce qu’au vu et au su de la communauté internationale et du peuple malgache, les îles Eparses appartiennent bel et bien à l’Etat malgache. De ce fait, dans le cadre de Cogestion, je dis haut et fort : Oui à la participation de la France aux résultats des exploitations des ressources minières et stratégiques et non à sa participation à la propriété partielle ou complète des îles Eparses.
(+) : En quoi s’agit-il de manière plus explicite et précise ?
(=) : A titre d’illustration, des conventions sur l’octroi des Permis de Recherche, d’Exploration et d’Extraction des gisements des minerais et des pétroliers devraient être mises sur pied dans le cadre de la Cogestion.
En outre, quelle que soit la forme de Cogestion à appliquer, Madagascar devrait percevoir des redevances issues  des futures exploitations et valorisations économiques  des îles Eparses dans différents domaines: mines, tourisme et ressources halieutique et des divers prélèvements obligatoires tels que l’impôt sur les revenus des sociétés, l’impôt sur les revenus salariaux, les taxes de pollution, les doit des douanes, etc.
(+): Est-ce que la Cogestion substitue –t- elle donc la souveraineté de l’Etat malagasy ?
(=) : Non, quel que soit le niveau de transformation de l’économie mondiale et l’importance de la  géopolitique française à l’échelle mondiale, la rigidité de la souveraineté de l’Etat malagasy reste indispensable et doit s’appliquer sans ambigüe si la Cogestion des îles Eparses s’impose à nous.
Dans cette optique, la Cogestion ne doit pas se réduire à un système de « Protectorat » au sens strict du terme ou à une participation à la propriété partielle ou complète de la France aux îles Eparses.
Bref, la Cogestion des îles Eparses devrait se fonder sur la rigidité de la souveraineté nationale selon les intérêts économiques et juridiques  régionaux et internationaux réciproques.

Propos Recueillis par  Solange Heriniaina

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Editorial

  • Recadrage présidentiel
    Au terme d’un Conseil des ministres, délocalisé à Toamasina, la capitale de la Région d’Atsinanana, le Chef de l’Etat Rajoelina Andry et la délégation qu’il conduit, des membres du Gouvernement, se sont enquis de l’état actuel de la situation de l’avancement des travaux s’inscrivant dans le cadre des projets présidentiels dans le Grand Port et aussi de la Région d’Analanjirofo.A Toamasina, le Président Rajoelina et sa suite dont entre autres le Premier ministre, Ntsay Christian, la ministre de la Justice Landy Mbolatiana Randriamanantsoa, le ministre des Travaux publics, le colonel Ndriamihaja Livah Andrianatrehina, le Secrétaire d’Etat en charge des Nouvelles villes Gérard Andriamanohisoa et bien d’autres, ont constaté de visu l’état de la réalisation des travaux. Le chantier MIAMI, un projet présidentiel phare dans le Grand Port de l’Est, continue son bonhomme de chemin. En dépit des retards dus aux crises sanitaires de 2020- 2022 et surtout à cause de…

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