Cette situation s’explique non seulement par la perte élevée d’emplois mais aussi par la baisse de salaire pour ceux qui ont pu poursuivre leurs activités. Bon nombre d’employés issus de divers domaines d’activités n’ont touché que la moitié de leur salaire. M.R., employée dans l’audiovisuel, en fait partie. « Depuis le mois d’avril, je ne perçois que 50% de mon salaire mensuel. Le patron nous a donné le choix de faire avec ou de partir en chômage technique. Evidemment, nous avons préféré travailler malgré la baisse du solde », nous confie ce technicien. Cette situation impacte lourdement sur les revenus des ménages, lesquels ont dû serrer la ceinture pour survivre face à la crise.
La crise sanitaire a provoqué la hausse de l’inactivité, avec les pertes d’emploi sur l’ensemble des branches de l’économie. En général, le secteur primaire dont l’agriculture est quasiment épargné, selon les résultats des enquêtes. Au mois d’août, les professions dans la branche des loisirs, des arts et du spectacle sont les plus en proie aux pertes d’emploi, avec un taux de 39,5%. Viennent ensuite les emplois de la branche de la restauration et de l’hébergement, intimement liée au tourisme, avec un taux de perte d’emploi de 28,3%. Ce taux est plus élevé en milieu urbain par rapport à celui du milieu rural. De plus, un sentiment d’incertitude subsiste auprès des travailleurs quant au retour à l’emploi.
« Les résultats des enquêtes donnent un aperçu général de la situation durant la crise à Madagascar puisque les ménages enquêtés sont issus des 22 Régions de l’île », souligne Mande Isaora Zefania Romalahy, directeur général de l’INSTAT, questionné sur la représentativité des enquêtes menées. Toutefois, ce responsable avance les contraintes quant à la réalisation des enquêtes, entre autres les déplacements limités. « Aucun recensement n’a été fait au préalable. Même chose pour l’échantillon représentatif disponible à l’avance, contrairement aux autres enquêtes réalisées », informe- t-il. Néanmoins, les résultats des enquêtes peuvent servir de base de données malgré l’absence de chiffres officiels. Jusqu’ici, chaque institution donne ses statistiques, quoi que leur fiabilité soit remise en question…
Patricia Ramavonirina
Quatre défis fondamentaux à relever
« Les responsables politiques devraient prendre en considération les résultats des enquêtes et investir davantage dans l’emploi et l’appui aux revenus pour les mois à venir, voire au-delà de l’année 2021 ». Coffi Agossou, représentant pays de l’OIT, l’a suggéré hier à Anosy, à l’issue de la présentation des résultats des enquêtes sur l’emploi et la Covid -19 à Madagascar. En priorisant l’approche centré sur l’humain, ce responsable propose 4 défis fondamentaux à relever. « Trouver un bon équilibre et une bonne chronologie entre les politiques sanitaires, celles économiques et celles sociales constitue le premier défi. Ensuite, il faudrait investir de façon efficace et productive pour faire face à l’inégalité, à l’augmentation du chômage, à l’exclusion sociale et à la hausse de la pauvreté », avance ce représentant dudit organisme onusien. « Ne laisser personne pour compte signifie qu’il faudrait investir à une échelle correspondant aux perturbations de la crise sur le marché du travail d’une part et cibler les personnes vulnérables à savoir les jeunes, les femmes, les migrants, les personnes en situation de handicap et les travailleurs de l’informel », souligne- t-il. Le renforcement du dialogue social entre l’Etat, les travailleurs et les employeurs, un outil efficace pour prévenir des crises, est aussi recommandé.
Pour information, les 2 enquêtes à haute fréquence par téléphone ont pu toucher 1 580 ménages urbains et ruraux en août 2020, contre 1 367 autres en novembre dernier. Aussi, le module «emploi » du questionnaire utilisé a permis de collecter des informations y afférentes auprès de 4 750 individus en âge de travailler en août contre 3 955 autres en novembre. Tous les résultats seront synthétisés.
P.R.