Animatrice radio et journaliste depuis une dizaine d’années, Ihony Rasolomalala a récemment fondé et préside l’Alliance des femmes handicapées de Madagascar (ALFHAM). En cette Journée mondiale des personnes en situation de handicap, célébrée chaque 3 décembre, cette mère de deux enfants nous raconte son choix d’être ligaturée. Il s’agit d’une décision mûrie, personnelle et étroitement liée à son handicap.
Des grossesses éprouvantes
Ihony a dû faire face à des difficultés physiques lourdes durant ses 2 grossesses. « La première fois, j’ai dû demander des semaines de disponibilité à six mois de grossesse. Je travaillais à l’époque dans un quotidien national en tant que journaliste. Ce métier inclut de nombreux déplacements et descentes sur terrain. A un moment, je ne pouvais plus suivre », explique-t-elle. Elle a vécu les mêmes difficultés durant sa deuxième grossesse, raison pour laquelle son gynécologue lui a conseillé une ligature.
« Je suis plus ou moins autonome au quotidien. Mais quand j’étais enceinte, je devais marcher avec des béquilles puisque mon corps devenait trop lourd pour moi. Une des raisons pour laquelle j’ai accepté sans hésiter la proposition de mon gynéco de me faire ligaturer », se souvient-elle. « Cependant, on a dû convaincre mon mari, qui était réticent puisqu’il avait peur que j’en subisse des effets indésirables. Après avoir été rassuré, il a finalement accepté et m’a soutenue », ajoute notre interlocutrice.
Pour Ihony, le choix de la ligature n’est ni un renoncement ni une contrainte. C’est une décision réfléchie, liée à son état de santé et à sa volonté de vivre pleinement sa vie de femme, de mère et de militante. Aujourd’hui, elle dit vivre avec plus de sérénité et d’épanouissement, sans inquiétude de tomber enceinte.
Un long chemin vers l’acceptation
Ce choix intime d’Ihony s’inscrit dans un parcours plus large qu’est l’acceptation de son handicap. Elle a pendant longtemps avancé sans faire de bruit. « On m’a déjà proposé de faire mon portrait en tant que femme handicapée, mère de famille et journaliste, mais j’ai toujours refusé », raconte-t-elle. Ce refus d’être mise en avant a commencé à son adolescence, pendant laquelle elle a décliné l’invitation d’intégrer une association de personnes en situation de handicap (PSH). Les doutes se sont intensifiés après sa contamination au Covid-19 en 2021. Paralysée, clouée au lit pendant plusieurs semaines et confrontée à la douleur des nerfs sciatiques, elle a traversé une crise existentielle. « Je me suis posé beaucoup de questions sur ma raison d’être. Je me suis dite qu’il y a sûrement des missions que je dois accomplir », confie la jeune femme leader. C’est cette introspection qui l’amène à s’engager davantage dans l’humanitaire, en tant que bénévole, et dans la vie associative. Au fil de ses émissions radio, elle a rencontré des femmes engagées, des actrices du changement, qui l’encouragent. L’idée d’une association dédiée aux femmes handicapées naît, puis se concrétise et l’ALFHAM a récemment été créée.
« Je peux enfin dire que je suis bien dans ma peau », affirme-t-elle. Son parcours, marqué par les épreuves et le travail sur soi, fait d’elle l’une de ces voix rares qui parlent sans détour de la maternité, du handicap et du droit de choisir.
P.R.








