Publié dans Politique

Célébration du 10 août - Occultée par la crise sanitaire

Publié le mardi, 11 août 2020


La commémoration du 29e anniversaire du « samedi rouge » est passée presque inaperçue cette année. Seuls le récit et des commentaires illustrés à l’aide d’une vidéo disponible en ligne, diffusée en boucle par quelques stations dont la TVM, ont marqué la commémoration lundi. Outre le témoignage d’un journaliste senior de la chaîne publique, seuls les anciens ministres Désiré Philippe Ramakavelo et Gilbert Raharizatovo ont donné un bref aperçu historique de l’événement à l’origine de la naissance de la Troisième République.
D’emblée, les principaux meneurs des Forces vives à la tête des mouvements politiques visant le départ forcé du président de l’époque, l’amiral Didier Ratsiraka, ne sont plus de ce monde. Ce sont par exemples : le pasteur Richard Andriamanjato, Francisque Ravony, Germain Rakotonirainy, Manandafy Rakotonirina, le professeur Albert Zafy, Dr Emmanuel Rakotovahiny...
Ceux qui sont encore en vie sont des has been considérés parmi les catégories les plus vulnérables à la contamination du coronavirus. Force leur est de se terrer chez eux pour se garder de tout contact susceptible de les exposer au risque. Tel serait le cas des politiciens comme Daniel Ramaromisa et Pierre Randrianantenaina ainsi que le général Jean Rakotoharison dit « Voaibe ». D’autres compagnons de lutte aussi habitent loin d’Antananarivo pour ne citer que le professeur Henri Rasamoelina qui réside à Fianarantsoa.
Déliquescence
Le politicien Alain Ramaroson, même s’il n’est pas un leader des Forces vives à l’époque, s’attribue volontiers le devoir de commémorer régulièrement avec des alliés le 10 août. Mais, le confinement étant, il ne n’est pas non plus manifesté cette année, laissant ainsi le champ libre à l’opposition qui a récupéré la date pour se faire entendre. Les opposants ont pourtant choisi de rester entre les quatre murs au lieu de marquer leur présence sur l’endroit symbolique du mouvement sur la place du 13 mai à Analakely.
Exaspérés par la déliquescence la vie sociopolitique longuement dominée par l’idéologie d’inspiration léniniste-marxiste matérialisée par le Livre rouge de l’Avant-garde pour la rénovation de Madagascar (AREMA) et les abus perpétrés par les dirigeants imbus de leur position, des syndicalistes et politiciens se donnaient rendez-vous au COUM 67 ha à Antananarivo pour célébrer la fête du travail du 1er mai 1991.
C’était le point de départ des manifestations qui migraient sur le centre-ville où les slogans « Handrodana ny mandan’i Jerikô » et « Ento miakatra ity firenena ity » étaient scandés à longueur des mois sous l’effet des discours enflammés des politiciens. Un Gouvernement insurrectionnel avec comme Chef d'Etat le Général retraité Jean Rakotoharison et comme chef de Gouvernement le professeur Albert Zafy s'y est formé le 16 juillet. La demande de démission de l’amiral est devenue un leitmotiv désormais.
Effusion de sang
Pour faire bouger davantage les choses, une marche pacifique à laquelle un peu moins d’un million de citoyens participaient était organisée le 10 août. Le but était de faire partir le Président alors confiné au Palais d’Iavoloha, classé zone rouge et hautement gardé par le Régiment de la sécurité présidentielle (RESEP) appuyé par des éléments de l’ethnie Ntandroy.
Alors que le cortège pénétrait les quartiers voisins immédiats du Palais, les tirs à balles réelles commençaient à fuser sur ordre de l’occupant du lieu. Projectiles mortels et dangereuses pierres catapultées à l’aide des frondes maniées par les Ntandroy atteignaient les manifestants sans armes. L’hélicoptère présidentiel lançait aussi des grenades offensives sur eux. L’effusion de sang ainsi inévitable faisait plusieurs victimes dont le nombre réel n’a jamais été établi.
La suite de l’événement a débouché sur la désignation du pharmacien Guy Willy Razanamasy comme Premier ministre, qui a présenté son Gouvernement le 25 août. Les pourparlers politiques d’alors ont été tels que des militaires sous la férule du Général Désiré Philippe Ramakavelo ont forcé les protagonistes à trouver un terrain d’entente au cours d’un tête-à-tête de trois jours, du 29 au 31 octobre, à l’hôtel Panorama à Andrainarivo.
Suite de l’histoire
La Convention du 31 octobre ou la Convention du Panorama a mis fin à toutes les hostilités. Elle s’est donné l’objectif d’élaborer la mouture de la nouvelle Constitution à la place de la Constitution de 1975. Le projet de texte a été inscrit à la loi 91-031 adoptée le 21 novembre 1991. De fait, la Convention a prévu la suspension de toutes les institutions au profit de la mise en place de la Haute autorité de l’Etat présidée par le professeur Albert Zafy.
La Constitution de la Troisième République sera plus tard approuvée. Le premier tour des présidentielles du 25 novembre et le second tour du 10 février 1993 seront en faveur du professeur, obligeant ainsi l’amiral à quitter le pouvoir. Le propos qu’il répétera à l’envie sera : « Mandefitra manana ny rariny ». Il ne tardera pas pourtant à revenir au pouvoir et nous savons tous la suite de l’histoire.
« Depuis plus d’un quart de siècle, le 10 août est passé dans la trappe de l’oubli. Cependant, au nom du devoir de mémoire, il faut rétablir la vérité historique surtout que quelques protagonistes sont encore en vie », a écrit le journaliste senior Jeannot Ramambazafy le 10 août 2017 à l’occasion du 26e anniversaire de l’une des tragédies de l’histoire postindépendance de Madagascar. C’est encore le cas de le dire deux ans plus tard.
M.R.

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Editorial

  • Poreux !
    On ne cesse de dénoncer. A l’allure où vont les choses, ce ne sera pas demain la veille où l’on s’arrêtera d’interpeler. Le Chef de l’Etat, Rajoelina Andry Nirina, patron des patrons du régime Orange, plus d’une fois, tape sur la table devant certains faits qu’il juge inadmissibles compromettant l’avenir du pays. Homme ou femme politique proche du régime ou à l’opposé du pouvoir monte au créneau et tire la sonnette d’alarme sur la persistance de certains cas troublants qui frisent la gabegie dans le pays. Société civile, simples citoyens et certains prélats d’église n’ont de cesse d’attirer l’attention de tous en particulier les dirigeants du pays sur le risque d’une dégénérescence incontrôlée. La majorité silencieuse, comme son nom l’indique observe dans le silence. En réalité, préoccupée par les actes quotidiens de survie, la grande majorité de la population n’a pas le temps de voir autour d’elle.

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