Les organisations comme l’Alliance Voahary Gasy (AVG) militent sans relâche pour tenter d’asseoir sur son piédestal la justice environnementale à Madagascar. Mais leur entreprise se heurte parfois à une barrière dure à franchir. Le corporatisme au sein de l’appareil judiciaire en est un sinon le plus problématique de tous les obstacles. Quelques cas assez récents en fournissent des illustrations nécessaires.
Le substitut du procureur de la République auprès d’une juridiction située sur le littoral était accusé de trafic de bois précieux l’an dernier. Des rondins de bois de rose étaient surpris dans l’enceinte de sa résidence. Les dispositions de l’ordonnance 2011-001 du 8 août 2011 portant réglementation et répression des infractions relatives aux bois de rose et aux bois d’ébène s’appliquent effectivement au cas considéré.
Tortues endémiques
Pour se défendre, l’homme de loi imposait sa propre loi. Il déclarait que les produits forestiers prohibés appartenaient à un voisin. Vérification faite, ledit voisin n’est autre que son propre frère. Quand le moment de juger l’affaire était venu, le même substitut a siégé au sein du jury. Aucune personne n’a été inquiétée jusqu’ici. Les militants environnementaux déplorent en ce moment la dégradation incessante de la justice environnementale dans la région en question.
Le cas d’un greffier exerçant auprès d’une grande juridiction d’Antananarivo est également dénoncé. Il était pris en flagrant délit en vendant des spécimens de tortues endémiques via des supports médiatiques. L’infraction est réprimée par la loi 2015-005 du 26 février 2015 portant refonte du Code de gestion des aires protégées et le décret 2017-415 du 30 mai 2017 fixant les modalités et les conditions de son application. L’officier public n’est jamais allé en prison non plus jusqu’ici.
Menaces
Le cas de l’ancien député de Mahabo Adrien Ludovic Raveloson dit Leva est cité dans le lot. Plusieurs chefs d’inculpation ont été retenus contre le richissime ex- parlementaire, de nouveau emprisonné à Morondava pour crime environnemental au détriment de la forêt protégée d’Antimena Menabe. L’AVG est parmi les entités ayant osé porter plainte contre lui en l’occurrence. La mise en liberté provisoire de l’incriminé sur ordre d’un haut fonctionnaire de la juridiction de Toliara a fait couler beaucoup d’encre en son temps.
Le haut responsable a récolté une suspension de six mois en conséquence. La punition est jugée légère par rapport à la gravité du cas. Dans le nord-ouest, un homme qui se croit être intouchable agit de la même manière que Leva contre le parc national d’Ankarafantsika.
Condamnation définitive
Il fait venir des gens du Sud pour sa chaine de production de charbon de bois. Il finance même des migrations organisées à cette fin. Ses centaines de travailleurs transportés par des cars arrivent à destination par vagues. « Si des individus osent commettre des crimes environnementaux, c’est qu’ils sont sûrs de leur forte protection auprès de la Justice », révèle un haut responsable auprès du ministère de l’Environnement et du développement durable (MEDD).
Mais il n’y a pas que les nationaux. Des étrangers impliqués dans l’injustice environnementale sont légion. C’est le cas des deux ressortissants français pris en flagrant délit, eux aussi. L’un d’eux est en détention préventive tandis que l’autre recherche tous les moyens d’échapper à la même mesure. Tous les deux remuent terre et ciel pour être à l’abri de la condamnation définitive. Ils recourent au trafic d’influence. Mais leur démarche ne marche pas. Apparemment.
Signal fort
Ce ne sont que des exemples parmi tant d’autres. La justice environnementale à Madagascar a encore devant elle un long chemin à parcourir. Elle doit nécessairement passer par l’efficience de la lutte contre la corruption. La création d’une unité anti-corruption au sein du MEDD est un signal fort dans ce sens. Pareillement, les organisations comme l’AVG se dotent d’équipe de juristes pour faire fonctionner des cliniques juridiques en leur sein.
La mise en place effective du Conseil économique, social, culturel et environnemental, à la place et au lieu du CESC prévu par l’article 105 de la Constitution de la République, est également une solution envisageable. Le CESC est la seule institution constitutionnelle qui n’est pas encore créée. Son homologue français intègre le volet environnemental dans ses attributions normales.
M.R.