Publié dans Politique

Colonel Richard Ratsimandrava - L’ombre du passé plane toujours

Publié le dimanche, 13 février 2022


Le passé ne dort pas. La commémoration de la date du 11 février fait partie intégrante des traditions des forces armées à Madagascar. Elle est destinée à honorer la mémoire du colonel Richard Ratsimandrava tué par balles à Ambohijatovo Ambony le soir du 11 février 1975, six jours seulement après qu’il a reçu du Général Gabriel Ramanantsoa les pleins pouvoirs pour diriger les affaires nationales en pleins troubles sur fond de guerre de clans.
Cet officier supérieur de la Gendarmerie était le premier Chef d’Etat malagasy en exercice à avoir été exécuté dans l’histoire contemporaine de la Nation. Il était aussi le premier officier supérieur du pays à avoir été éliminé hors champ de bataille « pour des questions d’intérêts économiques » selon les idées répandues autour de son décès. De ce fait, la commémoration annuelle est devenue un symbole fort pour rendre hommage à tous les hommes en uniforme ayant trouvé la mort en plein service commandé.
La célébration revêt d’un caractère national. Il s’agit avant tout d’un Chef d’Etat qui était de plus réputé pour son fervent attachement aux traditions et valeurs malagasy. Voilà pourquoi le 11 février, vendredi dernier, le député de Madagascar élu dans le quatrième Arrondissement d’Antananarivo, Paul Bert Rahasimanana, Rossy de son nom d’artiste, a déposé une gerbe sur la stèle commémorative à Ambohijatovo Ambony.
Mainty enin-dreny
Les membres de l’entité se réclament de la caste Mainty enin-dreny et des quartiers bas d’Antananarivo. Pour faire simple, voici ce que dit Louis Molet à ce propos : « Les Merina formaient jadis une société de castes vivant en monarchie. Les Andriana, nobles, se distinguaient des Hova, caste libre, eux-mêmes supérieurs aux Andevo ou Mainty enin-dreny, esclaves ».
Voici aussi le propos de Lala Raharinjanahary : « L’expression est de Raison‑Jourde (1991), en remplacement du terme ‘caste’, jugé peu conforme à la situation malgache, non identique à la situation indienne, pour dénommer les ordres statutaires du temps des royaumes malgaches, époque révolue, suite à la colonisation française (1895) : Andriana ‘nobles’, Hova ‘roturiers’, Mainty enin-dreny ‘Noirs aux-six-mères’, serviteurs royaux, considérés comme des ‘hommes libres’, sous les royaumes malgaches, et Andevo ‘esclaves’ ».
Suivant le même auteur, cette structuration ancienne reste présente dans l’esprit de beaucoup de Malagasy actuels avec ses séquelles. La déclaration du groupe conduit par Rossy se comprend dans cet ordre d’idée. La bande à Rossy est en parfaite connaissance de l’ascendance à la caste Mainty enin-dreny de Ratsimandrava. Rossy et ses amis ont exigé la poursuite de la recherche de la vérité sur l’assassinat du colonel. En effet, son origine ethnique a aussi joué gros dans son élimination selon le point de vue des historiens.
Documents secrets
L’anthropologue Lolona Razafindralambo, enseignant-chercheur à l’université d’Antananarivo, relativise. La distinction sociale entre blancs (fotsy) et noirs (mainty) ne relève pas de la pure domination symbolique. Les groupes statutaires n’ont plus aujourd’hui leur raison d’être même dans l’imaginaire. Selon Razafindralambo, ceux qui se disent appartenir à telle ou telle caste ont tort de s’accrocher mordicus à ces présupposés historiques.
Sur le plateau d’une station de télévision privée de la Capitale, le Général retraité Ferdinand Razakarimanana a encouragé les chercheurs à ne jamais abandonner l’investigation sur l’assassinat de Ratsimandrava qui aura 50 ans en 2025. Ce sera donc dans trois ans. Des documents secrets pourraient être gardés quelque part au pays et sous d’autres cieux, selon le président de la délégation spéciale pour la province d’Antananarivo sous le Président Marc Ravalomanana.
La levée des restrictions d’accès à ces précieuses archives interviendra tôt ou tard. Leur examen apportera l’éclairage tant attendu sur les zones d’ombre de cette page sombre de l’histoire de Madagascar. Par exemple, deux versions antinomiques ont été rapportées. Le colonel était achevé à son bureau à Ambohitsorohitra mais la fusillade à Ambohijatovo Ambony n’était qu’un simulacre. D’autres ont en revanche réfuté de façon catégorique une telle assertion.
Clôture de l’enquête
Selon la révélation du Général Razakarimanana, le feu Général Raobelina, son directeur de cabinet à Ambohidahy, était parmi les témoins entendus dans le cadre de cette affaire. De son vivant, celui-ci lui a soufflé à l’oreille que le colonel avait réellement trouvé la mort à Ambohijatovo Ambony et non à Ambohitsorohitra.
Le professeur Armand Rasoamiaramanana, ancien directeur général de la Recherche, a livré exactement la même version. Il était un témoin direct par hasard de la fusillade à Ambohijatovo Ambony le soir du 11 février 1975. Il avait vu de ses propres yeux, selon ses dires, le colonel se pencher vers l’avant de son siège arrière de la limousine présidentielle criblée de balles étant donnée la rafale (cf. La Vérité du 14 février 2019).
Une déclaration a été faite sous la transition (2009-2014). Celle-ci a souligné l’arrêt définitif sinon la clôture de l’enquête autour de la mort du colonel. Mais voilà à présent que des voix s’élèvent pour réclamer la poursuite de l’investigation en vue d’enlever le voile sur les vrais motifs de cette entreprise funeste des années troubles 1970. L’ombre du passé plane donc toujours sur le devenir de la nation malagasy.
M.R.

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Editorial

  • Vouée à l’échec ?
    Le pays est en plein chantier d’élaboration d’une nouvelle Stratégie nationale pour la lutte contre la corruption (et l’impunité), la SNLCC. Celle qui est en vigueur arrivera à son terme à la fin de l’année en cours après dix ans de mise en œuvre dans la bataille contre cette « ennemie » apparemment imbattable. Mise en selle en 2014, la SNLCC actuelle finira sa course incessamment. Mi-figue, mi-raisin, le bilan de la décennie de la Stratégie nationale de lutte contre la corruption balance entre un échec et une réussite. Le Comité pour la sauvegarde de l’intégrité (CSI) se trouve dans l’embarras pour traduire la situation exacte. Sahondra Rabenarivo, la présidente du CSI, déplore plus d’une fois l’existence de certains facteurs de blocage dans le processus normal de la lutte contre la corruption. Il existe un dysfonctionnement perçu comme un frein au bon déroulement du système de lutte contre la corruption.

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