Publié dans Politique

Iles Eparses - Plaidoyer pour une cogestion bilatérale

Publié le mercredi, 24 août 2022



Engagées le 18 novembre 2019, les premières négociations au sein de la commission franco-malgache ont seulement permis d’acter, comme on pouvait s’y attendre, les profondes divergences de vues sur un sujet complexe, pour ne pas dire explosif. Le Gouvernement d’Antananarivo souhaite purement et simplement obtenir une restitution des îles Eparses, sans conditions. De son côté, le Gouvernement de Paris brandit la thèse classique de la souveraineté française originaire, effective et exclusive sur ces quatre territoires. Autant dire que les positions des deux parties ne sont absolument pas compatibles. On ne sait même pas si les discussions – interrompues par la crise sanitaire de la Covid-19 – pourront reprendre en 2022.
A l’aune du droit international public positif, c’est pourtant une évidence : les îles Eparses appartiennent à Madagascar. Il faut ici rappeler que le différend franco-malgache porte sur des « confettis » de l’ancien Empire colonial français dispersés dans le canal de Mozambique et administrativement rattachés, par la loi du 21 février 2007, aux Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). Au plan juridique, ce différend est le procès du décret français du 1er avril 1960. Un faisceau d’indices démontre en effet que les îlots revendiqués par Madagascar à partir de 1972 ont été des dépendances du Royaume souverain de Madagascar jusqu’à son annexion par la France, le 6 août 1896. Il apparaît aussi que ces territoires ont tous été, par la suite, des dépendances administratives de la Grande
île et ce, jusqu’à l’entrée en vigueur du fameux décret du 1er avril 1960. En réalisant le démembrement de l’Etat autonome de Madagascar sans consultation préalable du peuple malgache ou de ses représentants élus et au mépris du principe coutumier de l’intangibilité des frontières coloniales reconnu par la Cour de La Haye, l’acte règlementaire français du 1er avril 1960 déroge aux principes généraux de la succession d’États. De surcroît, on peut douter de la thèse française selon laquelle l’Etat autonome de Madagascar aurait acquiescé au démembrement de son territoire : ce démembrement lui a plutôt été imposé par la France à la veille de sa résurrection en tant qu’Etat souverain, le 26 juin 1960.
Mais à l’aune du droit constitutionnel français établi sous la Ve République, la restitution à Madagascar des îles Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India est problématique, pour ne pas dire actuellement impossible, et ce, pour trois raisons principales.
a) D’abord, l’article 5 de la Constitution du 4 octobre 1958 contient une obligation fondamentale qui pèse sur le chef de l’Etat français. Après avoir indiqué que « le Président de la République veille au respect de la Constitution » (alinéa 1er), il est en effet précisé que le chef de l’Etat est « le garant de l’indépendance nationale » et « de l’intégrité du territoire » (alinéa 2). Certes, l’article 53 de la norme suprême pose, dans un alinéa 3, les conditions dans lesquelles une cession, un échange ou une adjonction de territoire terrestre peut intervenir. Mais cette disposition constitutionnelle ne concerne que les territoires habités, puisqu’elle est ainsi libellée : « Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans le consentement des populations intéressées ». Cette disposition ne concerne pas les îles Eparses qui, sans exception, sont des terres dépourvues de populations autochtones ou permanentes.
b) Certes, pour fonder sa revendication sur les îles Eparses, Madagascar fait valoir que leur excision par la France, réalisée par le décret du 1er avril 1960, a eu lieu de manière arbitraire et, de surcroît, en catimini, peu de temps avant l’accession à l’indépendance de la Grande île, proclamée le 26 juin 1960. Madagascar précise que cette excision viole le principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation qui est le corollaire indissociable du droit des peuples des territoires coloniaux à disposer d’eux-mêmes. Cette illicéité a d’ailleurs été reconnue par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 34/91 adoptée le 12 décembre 1979 à une très large majorité (par 93 voix contre 7 et 36 abstentions), sous la rubrique : « Question des îles Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India ». Cette illicéité l’a même été, une seconde fois, par l’organe plénier de l’ONU dans la résolution 35/123 du 11 décembre 1980, elle aussi votée à une large majorité (par 81 voix contre 13 et 37 abstentions). Nonobstant, au plan juridique, ces résolutions ne sont pas opposables à la France. Il en est ainsi, dans la mesure où une résolution de l’Assemblée générale n’est pas une décision mais une simple recommandation, c’est-à-dire un acte dépourvu de valeur contraignante. Son trait majeur est donc de ne créer aucune obligation juridique à la charge de ses destinataires. Son but vise plus modestement à proposer à ces derniers un comportement donné. Par suite, les Etats membres des Nations unies ne commettent aucune illicéité en ne la respectant pas.
c) C’est enfin un principe fondamental que la justice internationale est, jusqu’à nouvel ordre, facultative. Dès lors, pour que la France soit dans l’obligation juridique de restituer les îles Eparses à Madagascar, il faudrait que les deux pays décident, par un traité diplomatique, de porter ce différend territorial devant la Cour internationale de Justice, statuant en matière contentieuse, et qu’une décision obligatoire soit rendue au détriment de la France. Mais sachant précisément qu’elle risquerait d’être condamnée à une très large majorité par les 15 magistrats qui siègent au palais de la Paix à La Haye, la France a toujours exclus un tel scénario. En vérité, le Gouvernement français n’acceptera jamais que la querelle qui l’oppose à Madagascar sur les îles Eparses soit tranchée par une juridiction internationale, qu’elle soit arbitrale ou judiciaire.
Une solution transactionnelle pourrait néanmoins être adoptée pour régler – au moins à titre provisoire – le litige franco-malgache. Elle consiste à appliquer le principe de la cogestion aux îles Eparses, aux plans économique et environnemental. Un tel principe a en effet été voté, à l’unanimité, par le sommet des Chefs d’État et de Gouvernement des pays membres de la Commission de l’océan Indien (COI), réunis à Saint-Denis de La Réunion le 3 décembre 1999 sous l’autorité du Président de la République française, Jacques Chirac. En voici le contenu :
« En l’absence d’un consensus entre certains États membres concernant la souveraineté sur certaines îles de l’océan Indien ainsi que la délimitation et le contrôle des ZEE, le Sommet a décidé qu’en attendant l’aboutissement des consultations en cours, ces zones de contrôle seront cogérées par les pays qui les revendiquent. Les modalités de cette cogestion seront définies par les États membres concernés dans les plus brefs délais ».
Nous sommes convaincus qu’une sincère cogestion franco-malgache des îles Eparses, dans une série de domaines à préciser par la voie conventionnelle, serait un très bel exemple de coopération innovante entre deux États amis, voisins et interdépendants à plus d’un titre.
Témoignages (île de La Réunion)
(André ORAISON, Professeur des Universités, Juriste et Politologue)

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Editorial

  • Flamme éternelle !
    « Feux de l’amour », une série américaine créée par les Bell (William Joseph et Lee Phillip) dont la première diffusion du premier épisode datait du 26 mars 1973, doit fêter avant-hier son cinquantième plus un anniversaire. Du 26 mars 1973 jusqu’à ce jour, les « Feux de l’amour » continue d’accrocher des milliers sinon des centaines de férus à travers le monde. « FA » avec ses 12 500 épisodes jouit d’un record de longévité que rares sont les feuilletons capables de le défier. « Dallas », un autre feuilleton américain le talonne de près. Créé par Larry Hagman et consorts, Dallas dont la diffusion du premier épisode datait de 2 avril 1978 pour se terminer le 3 mai 1991 continue aussi de fasciner jusqu’à aujourd’hui.

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