La précieuse biodiversité de Madagascar, tant convoitée par le monde entier, souffre. La faune et la flore de cette belle île unique sur la planète sont en déperdition. Outre les dégâts délibérément causés par les humains, les feux consument dangereusement les parcs avec des animaux et plantes endémiques dedans. Mais ces éléments de la nature ne sont pas non plus en sécurité même à des endroits où ils sont considérés à l’abri des menaces.
Une mauvaise nouvelle de plus émerge dans ce contexte morose. Des lémuriens au Parc botanique et zoologique de Tsimbazaza ont contracté la tuberculose. Cette pathologie contagieuse a causé la mort à huit spécimens des propithèques, communément appelés sifaka en langue vernaculaire. L’analyse médicale de l’Institut Pasteur de Madagascar l’a confirmé, rapporte des média étrangers. Un fosa aussi est mort. Mais la cause de son décès n’est pas encore déterminée.
Les réactions des départements concernés ont été immédiates. Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (MESUPRES), auquel est rattaché le parc, a ordonné des analyses supplémentaires. Les membres du personnel et les animaux y sont soumis. Les résultats ont montré qu’aucun employé n’est positif. Par contre, 12 des 56 animaux soumis au test ont la tuberculose. Ceci signifie qu’ils auraient pu contracter le bacille depuis des mois déjà.
Des mesures urgentes s’imposent dans ce cas. Elles comprennent l’isolement des animaux malades. A part les vétérinaires et autres agents mandatés, personne n’est autorisé à entrer en contact avec eux. Ils sont de fait mis sous traitement qui dure au minimum six mois.
Selon la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Pr Elia Béatrice Assoumacou, le protocole de traitement du ministère de la Santé publique ne tient pas compte de la santé animale. En revanche, le texte auprès de la Direction des services vétérinaires (DSV) au ministère de l’Agriculture et de l’Elevage préconise l’abattage systématique des « bovidés tuberculeux ». Une recommandation non convaincante aux yeux du membre du Gouvernement car il s’agit d’espèces protégées.
« En pareille circonstance, les normes et l’éthique exigent l’abattage systématique des animaux. C’est ce que font les zoos à l’étranger », affirme Pr Jonah Ratsimbazafy, président du Groupe d’étude et de recherche sur les primates de Madagascar (GERP) et président en exercice de la Société internationale de primatologie. En parfaite connaissance de cause, l’éminent primatologue suggère la fermeture temporaire du parc pour mieux mettre la situation sous contrôle.
Les circonstances de contamination restent encore à déterminer. « La maladie provient probablement des visiteurs tuberculeux qui auraient toussé à proximité des animaux au parc. Ils auraient le bacille par les gouttelettes de salives dans l’air », suppose Ratsimbazafy.
De fait, en dépit de mesures-barrières en vigueur à l’intérieur du parc, des visiteurs tendent à se rapprocher davantage des animaux par curiosité ou par inadvertance. En outre, la surveillance sur le site est moins stricte pour ne pas dire laxiste. Davantage d’investigations scientifiques mettront la lumière sur les causes déterminantes de la contamination animalière à Tsimbazaza.
Pour ce faire, un comité mixte One Health est mis en place. Outre le suivi du traitement, ils pensent déjà à la publication des articles scientifiques qui aideront à mieux cerner des incidents similaires à l’avenir. Chercheurs du MESUPRES et techniciens de la DSV sont parmi les membres de la structure ad hoc. Le ministère de l’Environnement et du Développement durable y sera aussi associé.
Les lémuriens sont des primates vivant exclusivement à Madagascar. Ces mammifères sont l’espèce emblématique de l’île. Jusqu’ici, 112 espèces sont connues. Elles constituent 20% des primates non humains au monde bien que la surface de l’île représente seulement 0,4% des terres émergées. Malheureusement, 95% des lémuriens sont menacés.
Outre les aires protégées – la forêt étant leur habitat naturel, les zoos sont des milieux de conservation par excellence pour les espèces en danger. Mais elles sont loin d’être à l’abri des dangers dont la majeure partie ne peut provenir que des humains eux-mêmes. Ils ignorent qu’en provoquant la disparition des espèces qui les entourent, ils déclenchent aussi leur propre autodisparition.
M.R.