« Ce n'est pas la ligne d'arrivée mais la ligne de départ. ». Sahondra Rabenarivo, présidente du Comité pour la sauvegarde de l’intégrité (CSI), résume ainsi la présentation de la Stratégie nationale de lutte contre la corruption 2025-2030 (SNLCC). Ce document, dévoilé la semaine dernière, fixe les objectifs pour les cinq prochaines années. Mais il ne s’agit que du début d’un long et ardu chantier.
Premier défi de taille : la lutte contre l’impunité. «Comment voulez-vous être crédible si les plus hautes personnalités de l'Etat, qui sont justiciables devant la HCJ, ne sont pas jugées ?», interpelle Sahondra Rabenarivo, lors d’un entretien en ses bureaux à Andohatapenaka mercredi. Les dossiers d’anciens hauts responsables restent bloqués à l’Assemblée nationale, empêchant toute mise en accusation devant la Haute Cour de justice.
L’autre point sensible évoqué est la confusion autour des immunités. Immunité parlementaire, immunité diplomatique ou encore « immunité de facto » lorsque certains ministres refusent d’autoriser des poursuites contre des agents publics... « Il y a là-dedans une part de méconnaissance de la loi et une autre part de non-application de celle-ci », regrette-t-elle.
Démanteler les réseaux
Un autre chantier prioritaire est de s’attaquer aux réseaux de corruption dans les secteurs clés. « Face aux réseaux mafieux, la Stratégie propose de mettre en place des réseaux vertueux. », note le numéro un du CSI. Sept task forces seront déployées dans des domaines sensibles comme la justice, l’éducation, la santé ou encore les finances publiques. De même, des filières stratégiques comme le trafic d’or, de saphir ou encore la vanille feront l’objet d’un suivi particulier.
Le travail ne s’arrête pas là. La SNLCC prévoit un vaste plan de sensibilisation et de vulgarisation des textes. Les réformes administratives seront également renforcées, avec des mesures comme l’interdiction d’accéder à de haut poste sans enquête de moralité approfondie. Autre enjeu crucial : la protection des lanceurs d’alerte. « Il faut ouvrir le dialogue dessus », insiste Sahondra Rabenarivo, soulignant les engagements internationaux de Madagascar en la matière.
Pour donner vie à cette Stratégie, il faut maintenant un décret de mise en place du comité de pilotage pour la mise en œuvre. Celui-ci sera co-piloté par la Primature et le CSI, et chargé de suivre la mise en œuvre des actions. Sahondra Rabenarivo espère que ce décret sera pris avant son départ de la présidence du CSI, dans une dizaine de jours.
L’Etat devra aussi apporter son soutien financier. « Il est difficile d’en demander plus », concède-t-elle, tout en appelant la Primature et le ministère de l’Economie et des Finances à être plus attentifs aux besoins du Système anti-corruption (SAC). Des demandes seront aussi envoyées auprès des partenaires techniques et financiers ayant déjà participé à l’élaboration de la SNLCC.
Plus que le soutien financier, pour que cette Stratégie ne reste pas un simple document, « une simple lettre morte », il faut une large adhésion populaire. « Il n’y a que l’opinion publique pour faire avancer les choses », affirme Sahondra Rabenarivo. D’où l’importance de la campagne médiatique en cours, destinée à informer le grand public.
Le défi est immense, mais la mobilisation est lancée. « Derrière tout cela, ça va être un gros travail à fournir sur cinq ans », prévient-elle. Il ne reste plus qu’à transformer ces engagements en actes concrets.
Recueillis par Lalaina A.