« Ma famille a pu survivre avec la transformation et la vente de gari. D’ailleurs, j’ai pu finir mes études grâce à ma mère et cette activité génératrice de revenus ». Le Dr Coffi Agossou a livré ce témoignage lors de l’inauguration d’une unité de transformation de manioc en gari, le 21 juillet dernier à Ambovombe, Région Androy. Ce directeur du Bureau pays de l’OIT a accepté de nous livrer plus de détails à ce sujet, lors d’une entrevue. « Je suis originaire de Bénin. Je suis né dans un village où on produit beaucoup le gari. On y cultive le manioc et on le transforme en plusieurs produits, dont le tapioca, l’attiéké ou encore le gari. Quand j’allais à l’école, je prenais le gari entre le déjeuner et la pause. Quand j’y reviens vers 17h, j’en prenais aussi avant que maman ne prépare le souper du soir. Pour les femmes de mon village, le gari constitue une activité génératrice de revenus (AGR), leur permettant d’atteindre plusieurs buts.
Pour mon cas, ma maman avait produit du gari et c’est avec ça qu’elle payait mes frais de scolarité depuis le Primaire jusqu’en Terminale. J’ai même pu faire mon Doctorat au Canada.
Malgré les conditions difficiles dans lesquelles j’ai commencé, la fabrication du gari a contribué énormément à juguler ces obstacles », nous confie-t-il.
Deux unités de transformation opérationnelles
« Je suis un produit du gari. Le jour où j’ai appris qu’il y a une possibilité de transformer le manioc à Madagascar, je me suis engagé et j’ai engagé mon bureau dans cette activité », souligne notre interlocuteur. « Actuellement, nous avons déjà créé 2 unités de gari en moins d’un an, l’une à Ambovombe et l’autre à Bekily, Région Androy, en collaboration avec le PAM et maman Blandine, une Béninoise qui a vécu la même situation que moi », révèle le numéro un de l’OIT dans la Grande île. D’autres unités seront prochainement créées dans d’autres localités, entre autres à Fianarantsoa. Les femmes regroupées dans les coopératives sont privilégiées dans ce projet. « Nous sommes prêts à renforcer notre soutien aux femmes, à travers les coopératives, pour leur autonomisation. Moi je suis convaincu que cela peut faire la différence », lance notre source. « Avec le PAM et l’UNFPA, on voudrait faire un projet conjoint pour la fabrication de gari. Les femmes soutenues dans ce projet pourront également bénéficier d’un paquet de services de santé fourni par l’UNFPA. Les femmes qui font du poisson fumé, un accompagnement idéal pour le gari, seront également appuyées », ajoute-t-il.
Le soutien à l’exportation de leurs productions est aussi prévu, d’autant plus que le gari se vend dans plusieurs pays. « Quand j’étudiais au Canada, j’achetai le gari dans les magasins », se souvient le Dr Agossou.
Contribution à la lutte contre le kere
La fabrication du gari peut contribuer à la lutte contre l’insécurité alimentaire ou le kere dans les régions du Sud. Le manioc est un produit cultivable dans la région, ne nécessitant pas beaucoup d’eau, à en croire le directeur du Bureau pays de l’OIT. « Le manioc est consommable depuis sa racine, par exemple pour la fabrication du gari, jusqu’aux feuilles, servies en légumes ou en sauce. Même sa peau est utilisable comme engrais ou encore pour fabriquer les champignons. A défaut de viande, nous en mangions comme sauce », informe notre source. D’après ses dires, le gari peut durer jusqu’à 2 ans sans se gâter, alors que le manioc se conserve 1 mois au maximum, sans transformation. Le fait de le transformer permet de conserver le manioc et les femmes peuvent le vendre. La transformation du manioc en gari peut ainsi lutter contre la faim puisque ce produit assure une meilleure concentration en classe pour les élèves qui en mangent, lesquels vont à l’école avec un ventre non creux. D’ailleurs, le gari contribue à l’autonomisation des femmes en générant des revenus. Elles peuvent facilement envoyer leurs enfants à l’école au lieu de les contraindre à travailler. « Un enfant ne devrait pas travailler mais doit aller à l’école », insiste notre interlocuteur. « Mon objectif avant de quitter Madagascar c’est d’appuyer les femmes à apprendre quelques transformations clés, non seulement le gari mais aussi le tapioca, l’attiéké ou encore le champignon », conclut le Dr Coffi Agossou.
Recueillis par Patricia Ramavonirina