Lorsque ses frères et sœurs ont tous été mariés, sa mère a arrêté de travailler pour s’occuper de lui. « Outre une subvention venant de l'église, une fois par mois, je lave des linges de quelques ménages chaque fin de semaine. Mais cela ne peut pas couvrir nos dépenses, étant donné que l'état de mon fils s’est aggravé depuis maintenant trois ans. Il ne peut plus parler. Il a besoin de trois couches par jour, au minimum », soupire-t-elle. Afin de faire face à cette pauvreté, elle a décidé de trouver une autre source de revenus, en mendiant.
Accompagné de sa mère ou de son grand-père, Flavien sort en chaise roulante pour mendier. Ils ne quittent les lieux qu’au coucher du soleil. « C’est difficile, mais nous n'avons pas d’autres choix que de mendier ou dormir le ventre vide », dixit sa mère. « Chaque jour, nous gagnons entre 10.000 et 15.000 ariary. Cette somme pourrait atteindre 30.000 ariary chaque vendredi. Mais parfois, la chance n’est pas de notre côté car l’on obtient que 2.000 ariary en une journée. Malheureusement, tout cela ne peut pas encore couvrir ses besoins et le traitement chez le tradipraticien », poursuit-elle.
« Loué » à 3.000 ariary par jour
Louer ou emprunter des enfants handicapés est un nouveau business. Beaucoup de gens utilisent leurs enfants dans la mendicité, ou en les mettant en location afin de subvenir aux besoins de leurs familles. Pour une somme de 3.000 à 10.000 ariary par jour, Ravo met en location sa fille handicapée. « Je travaille comme femme de ménage. Je pars tôt le matin et ne rentre que vers 17h. C'est ma deuxième fille. Elle a un frère de 15 ans qui travaille comme docker à Anosibe », avoue-t-elle. « Personne ne peut s'occuper d’elle. Son père nous a quittés à cause de son handicap. Une voisine m’a proposé de louer ma fille pour mendier. Elle est une mère célibataire qui vit avec ses cinq enfants », raconte-t-elle. Au lieu de trouver une nounou ou de rester à la maison pour s’occuper de sa fille malade, elle a donc choisi de la confier à cette femme. Cette dernière s’occupe de la fille, prend en charge son petit déjeuner et ses repas. Elle a aussi trouvé une chaise roulante pour elle.
Comme cette mère célibataire, Jean Pierre emprunte ainsi l’enfant de sa voisine. Il est aussi chômeur. Lui et sa famille ont rejoint la Capitale pour un travail de gardiennage. Mais une fois que le propriétaire est de retour au pays, ils ont perdu ce travail. Ils ne voudraient pas retourner à la campagne. « J’ai déjà cherché un job. Mais le travail des champs ne me convient plus car je suis déjà vieux et fatigué. Alors, j’ai mendié avec ma femme et mes enfants. Mais l’on gagne peu ! », dixit-il. Avec cet enfant que je loue, je gagne entre 10.000 et 20.000 ariary. Le vendredi, jour de l’aumône chez les musulmans, il fait le tour des magasins et entreprises à Tsaralalàna et Isotry. Là, ils peuvent gagner jusqu' à 60.000 ariary, outre les repas.
« Je donne 5.000 ariary à l'enfant et 10.000 ariary à la mère afin d’acheter quelques vêtements », soutient-il.
L’avenir de ces enfants est incertain. Qu’en est-il de leurs droits ? Beaucoup de parents ou proches préfèrent les voir souffrir pour gagner quelques sous, tandis que d’autres luttent bec et ongles pour les guérir, et ce malgré leur désespoir. « Ce qui me fait le plus mal, c’est de penser : qui s’occupera de mon fils lorsque je serai partie ? », se lamente la mère de Flavien.
Anatra R.