Publié dans Dossier

Lova Rajaona - Elle revient de Norvège juste pour devenir maire d'Antanifotsy

Publié le mardi, 07 mars 2023

Une trajectoire peu commune. Alors que la majorité des Malgaches rêve de s'installer à l'étranger, Lova Rajaona fait, elle, le chemin inverse. Installée depuis une vingtaine d'années en Norvège, cette mère de famille décide en effet de quitter sa vie et son confort scandinave pour revenir à Madagascar. Et ce, dans l'objectif d'apporter sa pierre à l'édifice du redressement de son pays. 

Elle a grandi un pied  à Madagascar, l'autre à l'étranger. Après la classe de seconde dans la Grande-île, Lova Rajaona s'envole en effet vers la France puis la Norvège pour y poursuivre ses études secondaires et universitaires. Elle choisira de s'installer définitivement dans ce second pays, y ayant d'ailleurs fondé sa famille.

Bien implantée dans le « Pays du soleil de minuit », cette mère de deux grands enfants, tous deux dans la vingtaine aujourd'hui, ne coupera cependant jamais totalement les ponts avec son pays natal. A travers une association dénommée Blueways, qu'elle monte et qu'elle préside, cette femme s'engage dans la lutte contre la pauvreté à Madagascar, à travers divers projets notamment dans le domaine de l'éducation.

Mais très vite, un constat se dresse à la dirigeante d'association. « Ce qu'on faisait, c'était une goutte d'eau dans la mer. Avec une association, on ne pouvait pas faire plus », regrette-t-elle effectivement, la mort dans l'âme. En parallèle, ses séjours réguliers à Antanifotsy, sa ville d'origine, lui brisent le cœur. La fille de l'ancien député de cette localité, Justin Rajaona, avait en face d'elle la vision d'une Commune en train de péricliter.  

L'heure de la réflexion 

La situation amène ainsi la mère de famille à réfléchir sur sa manière d'aider le pays. Elle arrive très vite à la conclusion que pour changer les choses, il lui fallait arriver à un poste où « on a le pouvoir de pouvoir changer les choses ». Elle se met à songer à faire de la politique. Un chemin qu'elle n'aurait jamais cru emprunter. Les nombreuses réunions politiques de son père au domicile familial ne lui ont en effet pas laissé que de bons souvenirs. 

Mais l'« essentiel » est, pour elle, « d'apporter une pierre à l'édifice de la reconstruction » de sa Commune en particulier et de son pays en général. Contre toute attente, elle prend ainsi la décision de suivre les pas de son père en se jetant dans le grand bain de la politique. Hasard du calendrier, les élections à Madagascar arriveront, à l'époque, quelques mois plus tard. 

On lui propose la députation, mais elle décline. Non pas par peur de ne pas avoir les épaules assez larges pour le costume. Mais parce qu'elle estime pouvoir contribuer plus concrètement au bien-être de la population si elle était maire. Lova Rajaona prend ainsi la décision de se présenter aux élections communales. 

Départ brutal

La difficile décision, elle l'a prise de manière un peu brutale, de son propre avis. « Le départ pour la Grande-île n'a pas été vraiment préparé », dit la mère de famille, qui avoue n'avoir jamais pensé à venir lorsque ces enfants étaient encore plus jeunes. « Aujourd'hui, ils sont autonomes. Je peux venir (…) C'est un sacrifice que je suis prêt à faire pour mon pays », témoigne Lova Rajaona. Bagages en main, la novice en politique embarque alors à bord d'un avion pour un voyage vers l'inconnu ou presque. Enrôlée sous les couleurs de la coalition présidentielle, celle qui est plus habituée aux goudrons immaculés de la Norvège bat la campagne sur la terre ocre d'Antanifotsy.

Durant sa campagne, la candidate Lova Rajaona travaille pour convaincre. L'assainissement, la restauration et le développement de la Commune d'Antanifotsy sont ses mots d'ordre. Ses arguments font mouche. Elle est élue maire. Une élection qui « découle d'abord d'une certaine nostalgie vis-à-vis de mon père. Je ne me le cache pas », confie pourtant avec humilité Lova Rajaona.

Arrivée à la Mairie

Sans pour autant renier la nostalgie laissée par son père, dès le début de son mandat, la nouvelle maire s'attache avant tout à se faire remarquer par sa personnalité et son savoir-faire. « Mon père a fait sa part pour la population, et c'est maintenant mon tour de faire la mienne », indique-t-elle.

A son arrivée à l'Hôtel de ville, la toute première femme maire d'Antanifotsy met en œuvre ses engagements durant la propagande. Elle mène une campagne d'assainissement, aussi bien en profondeur qu'en surface. Une réforme dans la gouvernance de la Commune est instaurée. L'un de ses objectifs est de lutter contre la corruption. Elle met en place un système de guichet unique et entame l'informatisation de l'administration. 

Première conséquence visible, l'obtention des actes de copie civile est accélérée. « Avant, il fallait une semaine. Aujourd'hui, 15 minutes suffisent », se réjouit Lova Rajaona. Elle met à profit ses compétences acquises dans la gestion du personnel en Norvège pour la bonne marche de sa Commune. 

Premières difficultés

L'édile entreprend aussi d'assainir l'Hôtel de ville et ses alentours. Cet édifice doit servir de modèle en matière de propreté. Des campagnes d'assainissement de la voirie sont également menées.  « La pauvreté ne doit pas être  synonyme de saleté et vice versa », défend l'élue.  

Tout ne sera cependant pas facile pour Lova Rajaona. Ses réformes ont eu du mal à entrer dans les mœurs d'une population longtemps habituée à la gabegie. « Je me suis heurtée à un poteau », dit-elle, rajoutant : « Les bonnes intentions ne suffisent pas pour que les gens te suivent ». 

En effet, elle constate que beaucoup ne comprennent l'intérêt des réformes envisagées, notamment payer les impôts et s'acquitter de leurs droits. Respecter la propreté ne figurait ni dans l'état d'esprit ni dans les habitudes d'une certaine frange des habitants avant l'arrivée de la nouvelle maire, comprend-elle. 

Face à un mur

« Face à un mur », selon l'expression utilisée par celle que certains habitants d'Antanifotsy qualifient de « maditra » qui signifie « masiaka » pour les locaux. Elle décide de mettre de l'eau dans son vin. Pour comprendre l'état d'esprit de ces concitoyens, elle va à leur rencontre. « J'ai fait des bains de foule », se souvient-elle. 

Ce n'est qu'après, totalement imprégnée de la façon de penser de ses administrés et intégrée par ceux-ci, qu'elle transmet progressivement les lignes du changement qu'elle compte apporter. Lova Rajaona insiste sur le caractère inclusif du développement. 

« J'ai essayé d'insuffler un sentiment d'appartenance aux habitants d'Antanifotsy. J'ai rappelé que cette Commune est la nôtre. Que le devoir de la faire briller nous appartenait et à nous seuls avant tout », se remémore-t-elle.

Le cœur de l'action

« Premiers partenaires » de la Mairie, les citoyens sont en effet placés au cœur de l'action de la nouvelle maire. Mis à part la transparence sur le budget, l'augmentation des recettes et autant d'autres principes de base en matière de bonne gouvernance, restaurer la confiance des administrés envers la Commune a ainsi constitué l'un, sinon le principal travail de Lova Rajaona durant son mandat. 

Elle implique les administrés dans les projets de la Mairie. Les citoyens sont invités à prendre part à des journées de mobilisations citoyennes ou « Asa tagnamaro ». Les plenums, organisés de manière périodique, permettent à la population d'exprimer ses desiderata et de se faire entendre par la maire et son équipe. 

Si la Commune met généralement la main à la poche pour solutionner les problèmes, afin d'impliquer les gens dans le processus, des comités formés de représentants élus et issus des administrés sont aussi mis en place. Ceux-ci sont en charge du contrôle et du suivi des travaux entrepris. Le but est de permettre à la population de contribuer effectivement à l'action de la collectivité locale.

Changement 

La persévérance de l'édile d'Antanifotsy porte aujourd'hui progressivement ses fruits. Les mentalités changent, lentement mais sûrement. Le taux de recouvrement fiscal au niveau de sa Commune passe, de presque rien avant son mandat, à 70% aujourd'hui, preuve de l'adhésion à son projet.

Sa personnalité semble également avoir fini de  convaincre les derniers réticents. « Je n'ai pas peur d'aller à contre-courant. Je n'accorde pas d'importance particulière aux qu'en dira-t-on ou à baser mes actions en pensant à une réélection future. Je ne suis pas là pour être élue, je suis là pour changer les choses. Au début, je me suis fait critiquer. D'ailleurs, si les critiques tuaient, je serais déjà morte aujourd'hui », témoigne la première magistrate de la ville d'Antanifotsy . 

A moins d'un an de la fin de son mandat à la tête de sa Commune, Lova Rajaona tire ainsi déjà un bilan positif du point de vue personnel. « Tout n'a pas été facile. (…) Mais je peux dire déjà que ces quatre ans m'ont permis d'apprendre, de m'adapter car quelque part, j'ai été acculturée de ma propre culture », nous confie celle qui a laissé ses enfants à 9.000 km d'elle pour ses engagements. 

Fin de mandat

Lova Rajaona dit avoir également appris à affronter certains défis du monde politique, qui reste encore majoritairement dominé par les hommes. Celle qui est vice- présidente de l'association des femmes maires de Madagascar confie à ce sujet que sa condition de femme-maire lui a joué des tours à certaines reprises lorsqu'elle s'est retrouvée face aux interlocuteurs du sexe opposé.  

Du point de vue de ses engagements, si beaucoup a été fait, beaucoup reste encore à faire, avoue la maire. Est-ce à dire qu'elle se représentera pour briguer un second mandat afin de mener à terme toutes ses ambitions pour la Commune ? «  Finissons d'abord cette année et on verra après », répond- elle, le sourire aux lèvres.

Lova Rajaona espère en tout cas que son initiative inspirera et poussera certains expatriés mais surtout, les femmes malgaches à suivre sa trajectoire peu commune, et à apporter leurs briques à l'édification d'un avenir meilleur pour le pays. « On a besoin de plus de femmes qui occupent des fonctions à haute responsabilité », affirme-t-elle, « En tant que femmes, nous pouvons faire quelque chose, en dehors du foyer ».

 

Lalaina Andriamampionona 

Fil infos

  • Androndra - Christian Ntsay échappe de peu à un tragique accident  
  • Grand projets de développement - Des investisseurs turcs prêts à sortir les dollars
  • Actu-brèves
  • Requête aux fins de déchéance à la HCC - Christine Razanamahasoa et Herimanana Razafimahefa dans le viseur de l’IRD
  • Coups bas contre le régime - Christine Razanamahasoa risque la déchéance
  • Corruption,faux et usage de faux… - Un ancien DG de la Pêche à Antanimora
  • Actu-brèves
  • Tourisme international - Madagascar dans le top 20 des destinations 2024
  • Actu-brèves
  • Taolagnaro-Vangaindrano - Le projet routier prend forme

La Une

Pub droite 1

Editorial

  • Flamme éternelle !
    « Feux de l’amour », une série américaine créée par les Bell (William Joseph et Lee Phillip) dont la première diffusion du premier épisode datait du 26 mars 1973, doit fêter avant-hier son cinquantième plus un anniversaire. Du 26 mars 1973 jusqu’à ce jour, les « Feux de l’amour » continue d’accrocher des milliers sinon des centaines de férus à travers le monde. « FA » avec ses 12 500 épisodes jouit d’un record de longévité que rares sont les feuilletons capables de le défier. « Dallas », un autre feuilleton américain le talonne de près. Créé par Larry Hagman et consorts, Dallas dont la diffusion du premier épisode datait de 2 avril 1978 pour se terminer le 3 mai 1991 continue aussi de fasciner jusqu’à aujourd’hui.

A bout portant

AutoDiff