Hier, le ténor de l’Opposition a soulevé la possibilité de dissoudre l’Assemblée nationale à la lumière des faits récents dans lesquels des députés, leurs collaborateurs et des employés de cette institution sont trempés. Le troisième mardi d’octobre approche pour le Parlement malagasy qui se réunira en deuxième session ordinaire ou en session budgétaire durant 60 jours.
Les observateurs sont impatients de voir comment ce rendez-vous se déroulera pour au moins deux raisons majeures. Ce sera le moment de voter le budget pour 2023, une année électorale. Mais ce sera aussi une occasion pour régler certains comptes.
Ce deuxième point intéressera le plus les observateurs avisés pour la bonne et simple raison que pas mal de membres du Parlement ont fait parler leurs noms durant l’intersession. Dans ses acceptions habituelles, le verbe « parlementer » est l’équivalent de « négocier en vue d’une conciliation », « discuter longuement en vue d’un arrangement » et « négocier avec l’ennemi, lors d’un conflit armé, en vue d’un accord ».
Apparitions timides
Parlementaire signifie membre d’une assemblée législative ou personne envoyée, en temps de guerre, pour communiquer ou négocier avec l’adversaire. L’appellation anglaise de « law-maker » renvoie à l’idée de « faiseur de loi ». Dans tous les cas de figure, la fonction parlementaire se résume à la recherche de l’équilibre par la négociation et la discussion en vue de la concorde dans la société.
Ce n’est pourtant pas le cas la plupart du temps. Au contraire, les faiseurs de lois se font eux-mêmes faiseurs de dégâts aussi qui œuvrent pour le dysfonctionnement institutionnel. Durant l’intersession, ils ont le devoir de faire un compte rendu auprès du citoyen. La mise en œuvre effective de ce droit fait jaser les parlementaires opposants de temps en temps. Mais, curieusement, les parlementaires ont disparu du radar.
Très peu ont fait des apparitions timides lors des cérémonies d’inauguration ou lors de remise des « dons » achetés au moyen des ressources du Crédit d’investissement destiné à l’appui au développement (CIAD) anciennement appelé Comité local de développement (CLD), portées à 500 millions d’ariary pour les Districts ayant deux députés.
Sanctions symboliques
Les autres, quant à eux, restent introuvables ni sur les réseaux sociaux ni dans les média. Un parlementaire parle. Il ne se tait pas. En revanche, bon nombre préfèrent se terrer dans un mutisme étonnant voire assourdissant. Par peur probablement mais par prudence aussi certainement.
La raison en est que le public ayant accès aux réseaux sociaux est de plus et plus inquisiteur voire méchant. Le moindre faux-pas de celles et ceux investi-e-s des prérogatives de la puissance publique y est allègrement critiqué. Des fois, les reproches sont trop violents et destructeurs que la sagesse serait de « vivre caché pour vivre mieux » pour les avertis.
Certes, les réprobations émises par les citoyens à l’égard des élus au moyen des technologies sont encore plus pénibles que les peines prononcées par la justice. Beaucoup en ont fait l’expérience. Ceux qui ont eu leur dose de vindicte populaire sur les réseaux sociaux font bien de se taire ou de s’éclipser tandis que les autres se gardent de tomber dans le viseur des critiques en ligne.
Tension
Ces député-e-s qui osent aller au-delà de leurs attributions méritent les sanctions symboliques. Lorsqu’un membre de l’Assemblée nationale sort une autorisation de transport de bois précieux durant une durée indéterminée à la place et au lieu de l’administration forestière, il y a de quoi à faire monter la tension dans les rangs de l’Exécutif ou du côté des organisations de la société civile. Une affaire récente a éclaté au grand jour dans l’Alaotra-Mangoro.
Lorsqu’un député se permet aussi de lui-même la création d’une nouvelle commune par écrit, son initiative n’arrangera surtout pas les représentants de l’Etat et encore moins les administrateurs-civils. Un fait à ce propos est rapporté dans l’Atsimo- Atsinanana. A ce rythme, un parlementaire se permettrait d’établir une autorisation de port d’arme de n’importe quelle catégorie en son nom.
Le cas d’un député, qui a autorisé un de ses proches collaborateurs à transporter des substances minières en snobant les agents du ministère des Mines et des Ressources stratégiques, fâche. En effet, les agissements et abus perpétrés par l’entourage immédiat des élus ont tendance à se multiplier. Ces gens se croient tout permis en étant de proches collaborateurs des parlementaires. L’inventaire des faits récents sera long.
Ecuries d’Augias
Lorsque les élus se bagarrent en public, ils se font eux-mêmes la risée de tout le monde. Conflit d’intérêts étant, deux élus du Sud se trainent devant la Justice en ce moment. L’on sait que l’intervention des parlementaires sapent de temps à autre la fonction des juges qui, de mèche ou par connivence, prononcent des verdicts injustes à l’égard de l’une des deux parties en litige.
La présidente de l’Assemblée nationale Christine Razanamahasoa et le bureau permanent ont à coup sûr du pain sur la planche en ce moment. La presse et les réseaux sociaux ont rapporté tant d’affaires louches impliquant les membres de l’Assemblée nationale. Elles concernent de plus ceux qui portent la couleur Orange en cette année à la veille de l’échéance électorale.
La manière dont les maîtres des lieux nettoieront les écuries d’Augias sera intéressante. Il est encore temps de le faire avant qu’il ne soit trop tard. Les écuries d’Augias, selon la légende, désignent des milieux en proie à la corruption ou aux désordres, à l’instar des bâtiments destinés à abriter les chevaux qu’Hercule dut nettoyer au cours de ses travaux.
M.R.