Dans la Capitale Antananarivo, le père Pedro Opeka, argentin et ancien élève de Jorge Mario Bergolio à Buenos Aires, accueille dans son association Akamasoa fondée en 1989, les familles les plus pauvres de la ville, de les sortir des décharges de déchets pour leur offrir un toit, et de promettre aux enfants un avenir. 500 000 personnes ont été aidées par l’association depuis sa création.
A un mois jour pour jour de la disparition du Pape François, c’est aux pauvres que nous donnons la parole; les pauvres qui ont été à chaque instant portés dans le cœur du Pape argentin et auxquels il a accordé une place de choix tout au long de son pontificat. Ce sont des pauvres le jour de son enterrement qui l’ont salué avant qu’il n’atteigne sa dernière demeure à Sainte-Marie-Majeure.
Dans un entretien à Vatican News, le père Pedro Opeka, revient sur la relation spéciale de François avec les plus démunis.
Père Pedro Opeka, à quel moment avez-vous pris conscience de cette attention particulière du Pape François pour les pauvres?
Tout de suite, le fait d'avoir son premier voyage à Lampedusa pour avertir l'opinion publique et tous les États que c'était indécent et une honte que nous laissions mourir nos frères et sœurs dans la mer Méditerranée. Alors là, c’était déjà le signe d’une sensibilité très forte. Et ensuite, ce geste d'arrêter la papamobile et descendre pour embrasser un homme. Je me souviens d’un homme difficile à embrasser. Mais lui est allé l'embrasser comme son frère.
Est-ce que François a changé notre regard sur la pauvreté?
Bien sûr! Plus le temps va passer, plus on va se rendre compte comment ce Pape était près des gens. Et comment il aimait les gens. Il aimait le peuple et quand il était à Akamasoa, au village de l’amitié, le protocole prévoyait de mettre des barrières à l'intérieur de notre grande salle où plus de 8000 enfants attendaient le Pape. Ils voulaient mettre des barrières. J'ai dit: “Non, pas des barrières ici, Ici, nous sommes à Madagascar, à Madagascar, les gens respectent leur hôte“. Alors, le commandant de la garde suisse m'a dit: “Mon père, je joue mon poste ici“. Je lui ai dit: “Vous ne jouez rien du tout”. Et quand le Pape est venu, c'était tellement beau, il était tellement près des gens. Il pouvait les embrasser, il pouvait les toucher. C'est lui qui touchait les gens. C'est lui qui saluait les gens et le commandant de la garde suisse a pleuré. Le Pape m'a dit, quand j’étais avec lui dans la papamobile après la rencontre: “Pedro regarde la joie de ses enfants, la joie de ce peuple“.
Pour les personnes que vous aidez et qui proviennent de situations d'une extrême fragilité, je rappelle qu'au départ vous accueilliez des personnes provenant des décharges de détritus d’Antananarivo, qui était le Pape François?
Pour ceux qui étaient chrétiens, c'était le Pape, le représentant de Jésus et de Pierre sur terre. Mais les gens d'ici, les plus pauvres, ne le connaissaient pas. C'est quand il est venu qu’ils ont compris qui était cette personne là et quelle était sa mission, et comment il aimait, comment il aimait les enfants, les jeunes, les malades et les personnes âgées. Ils ont manifesté leur joie. Ça nous a touchés. Le Pape nous a dit: “J'ai découvert ici, à Antananarivo, une lumière. Cette lumière-là, Je vous demande de l’éparpiller dans tout Madagascar et au-delà de ses frontières”.
Cette proximité du Pape François avec les personnes devant lesquelles, la plupart du temps, notre société détourne le regard, a-t-elle contaminé les membres de l'église?
Bien sûr! Beaucoup! Mais pas tous. Il y a encore beaucoup de gens d'église qui préfèrent l'institution, qui préfèrent l'autorité, qui préfèrent l'ostentation, qui préfèrent la richesse. Mais Jésus n'a pas vécu ainsi. Jésus a vécu simplement et au milieu des pauvres. Le fait est que nous, les êtres humains, nous aimons aussi être respectés par la richesse extérieure. Mais c'est mieux d'être respecté et aimé par les richesses de l'esprit, de l'Evangile, par le service aux pauvres. Et servir, c'est très difficile. Vous souffrez, vous pleurez. Je suis avec les plus pauvres des pauvres depuis 36 ans, jour et nuit. Les pauvres ne sont pas des saints ; ce ne sont pas des gens doux, des gens qui vous obéissent à tout moment. Ce sont des gens qui mentent, qui volent et qui vous trompent. Mais il faut pardonner, oublier et continuer. Parce que l'essentiel, c'est que nous continuions à aimer les gens, même ceux qui nous ont trompés, ceux qui nous ont menti.
Jean Charles Putzolu – Vatican News