Hier, la Cour d’appel d’Antananarivo, par son premier président, a rendu son verdict sur l’affaire opposant Jean Pierre Laisoa dit Jaovato, ancien député de Madagascar élu à Antalaha, à Christian Claude Bezokiny, un « Karana » domicilié dans la même ville (cf. notre édition d’hier). La juridiction supérieure a confirmé la décision du Tribunal de première instance (TPI) d’Antananarivo rejetant la demande de saisie des comptes en banque, biens et mobiliers de l’ex-parlementaire.
L’affaire ressemble à une guerre des titans. Jaovato est un gros opérateur du Nord tout comme l’est son attaquant. Avec un agrément d’exploitation de bois datant de 2007, l’étranger prétendait avoir livré, de novembre 2012 à avril 2013, des quantités de bois de rose estimées à 1 585 408 000 ariary à l’opérateur malagasy. Mais le client aurait refusé de payer le fournisseur, selon la requête déposée par celui-ci auprès du tribunal.
Rappel des faits. Le TPI a autorisé le « Karana » à pratiquer la saisie arrêt de tous les comptes bancaires et biens immeubles de Jaovato à hauteur de la supposée créance. Le 17 septembre, l’accusé a eu gain de cause auprès de la même juridiction et obtenu mainlevée de la saisie conservatoire rendue par l’ordonnance sur requête n° 5910 du 21 août 2020. Le 30 septembre, le plaignant, insatisfait, a interjeté appel en référé pour une audience le 7 octobre. Le verdict attendu le 14 octobre est tombé à la date prévue.
Aucune pièce
Par deux fois, le « Karana » Christian Claude Bezokiny, en première instance et en appel, a perdu son procès contre l’opérateur reconnu dans la Région de Sava. Le tribunal a fait valoir son droit à la défense par le fait qu’il réside à Antalaha, tout comme son plaignant. Selon le Code de procédure civile, en son article 79, « la compétence territoriale appartient au tribunal du domicile réel ou du domicile élu à Madagascar du défendeur ou si celui-ci n’y a qu’une résidence, au tribunal de sa résidence ».
De son côté, Jaovato a affirmé qu’il n’a jamais fait affaire avec ce « Karana ». De plus, celui-ci n’a présenté aucune pièce prouvant l’existence de transactions entre eux. Il n’a présenté ni facture ni preuve de transport ni payement de taxe et redevance à l’Etat pour l’exploitation de bois de rose alors qu’il requiert le paiement de la somme de 1 585 408 000 ariary.
Le plaignant a affirmé devant le tribunal, via sa requête du 7 août, qu’il a livré l’équivalent des milliers de bois de rose en 2012 et 2013. Il s’agit pourtant d’une période couverte par les dispositions de l’ordonnance 2011-001 du 8 août 2011 interdisant formellement la vente et le transport des bois de rose sur toute l’étendue du territoire. Il en découle que le « Karana » a fait un aveu de trafic de bois précieux nonobstant la prohibition édictée par la loi en vigueur.
Bien des Malagasy
Le « Karana », selon sa déclaration de stock en date du 7 septembre 2011, doit posséder 11 971 rondins et 5 028 plaquettes de bois de rose dans son magasin à Antalaha. Il est alors nécessaire de vérifier si le stock déclaré se trouve encore à l’endroit indiqué ou non. Autrement, il serait tenu d’expliquer la provenance des bois qu’il prétendait avoir livré à son soi-disant mauvais client.
Le tribunal d’Antananarivo a bien respecté la loi, selon la satisfaction exprimée par un défenseur de Jaovato. Il reste à voir si le ministère de l’environnement va prendre les mesures nécessaires face au trafic de grande envergure perpétré par l’étranger. Le Parquet, le tribunal spécial bois de rose, le PAC, le BIANCO, le SAMIFIN, la Gendarmerie doivent aussi se saisir d’eux-mêmes de cette affaire qui nuit non seulement aux biens des Malagasy mais aussi aux caisses de l’Etat.
Suivant l’aveu formel écrit au tribunal, appuyé par son avocat, Christian Claude Bezokiny a transporté et vendu des bois de rose au-delà de la limite d’autorisation d’exploitation des bois précieux. Par ailleurs, le nom de l’opérateur n’apparaît pas parmi ceux qui ont normalement réglé la taxe d’exploitation de bois de rose dans une justificative du PAC en 2017. Seuls l’Etablissement Ramialison, l’Entreprise Laisoa Jean Pierre dit Jaovato, la Société Thunam et l’Etablissement Ranjanoro ont payé leurs dus à l’Etat malagasy. Affaire à suivre.
La Rédaction