Un panel sur la réduction des écarts en matière de santé s’est tenu en marge de la 76e session de l’Assemblée générale des Nations unies. La Banque africaine de développement (BAD), par la bouche de son président, Dr Akinwumi A. Adesina, a fait entendre à cette occasion que l’Afrique ne peut pas externaliser sa santé vers le reste du monde.
Les dirigeants mondiaux ont mis en avant l’urgence d’intensifier la production et l’utilisation de vaccins contre la Covid-19 dans le sillage d’une pandémie qui a causé des pertes économiques sans précédent et anéanti des systèmes de soins de santé en Afrique. Il faut « renforcer les capacités pharmaceutiques de l’Afrique », a déclaré le patron de la BAD.
« Nous devons nous sécuriser nous-mêmes », a-t-il affirmé en tirant l’un des plus grands enseignements de la pandémie : la nécessité pour l’Afrique de compter sur elle-même. « A long terme, il faut renforcer les capacités pharmaceutiques de l’Afrique », a-t-il insisté lors du panel organisé mardi en visioconférence par l’Institut de l’initiative pour l’investissement futur, dans le cadre d’une série de sessions sur le thème des vaccins, de la résilience et de la santé mondiale.
Manque de leadership
La BAD va contribuer à la mise en place d’une industrie pharmaceutique en Afrique au cours des dix prochaines années avec un financement de trois milliards de dollars américains. Selon Ngozi Okonjo-Iweala, directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les droits de propriété intellectuelle et le manque de matières premières rendaient encore plus difficile l’accès à l’industrie pharmaceutique pour les pays africains.
« Nous prenons des mesures. Les chaînes d’approvisionnement pour les vaccins sont très compliquées (…). Nous devons lever les restrictions afin que les fabricants puissent obtenir ce dont ils ont besoin, a-t-elle affirmé. Nous devons permettre le transfert de technologies. Nous ne pouvons pas être égoïstes. Des vies sont en jeu ! »
Lors de ce panel animé par Richard Quest, présentateur à CNN, le vice-président et partenaire de Global Infrastructure Partners, Jim Yong Kim, a dénoncé le manque de leadership dans la crise sanitaire mondiale actuelle. « Où est la coalition qui dira que c’est un défi sans précédent ? », a-t-il interrogé. Et d’ajouter : « Nous avons besoin de leadership. Nous avons eu un problème similaire avec le VIH. Nous pouvons résoudre le problème de pénurie de vaccins contre la Covid-19. »
Engagement
Okonjo-Iweala a mis en avant ses deux priorités : d’une part, convaincre les pays qui ont des excédents de vaccins à en faire don à l’initiative COVAX, mise en place par la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies, l’Alliance GAVI pour les vaccins et l’OMS ; d’autre part, « convaincre les pays plus riches d’échanger leur place contre celle des pays pauvres sur la liste d’attente pour les vaccins. »
La 76e AG de l’ONU se déroule en pleine pandémie de Covid-19 qui a durement affecté les économies africaines. Le PIB continental s’est contracté de 2,1% en 2020, en repli de 6,1 points de pourcentage par rapport aux prévisions d’avant la crise. Seuls quelques pays ont tenu leur engagement de consacrer au moins 15% de leur budget au maintien d’un système de santé adéquat.
La question de la rentabilité des investissements consacrés à la fabrication des vaccins a été abordée. « Il faut en discuter. Il est dans votre intérêt que l’Afrique obtienne des vaccins », a souligné M. Kim.
Petits choix éthiques
Pour David M. Rubenstein, co-fondateur et co-président du Groupe Carlyle, et Thomas Gibbons, directeur général de BNY Mellon, les profits n’éliminent pas l’impératif moral qui consiste à aborder les inégalités entre pays développés et pays en développement. « Les vaccins sont l’outil le plus important : nous devons rendre les vaccins accessibles à tous », a notamment déclaré Thomas Gibbons.
Lors d’une session intitulée « La santé à l’ère de l’anthropocène », Jane Goodall, anthropologue de renommée mondiale, a plaidé pour un monde meilleur pour tous : « Nous devons accélérer la transition vers une économie circulaire. Nous devons nous rappeler que chacun de nous est important. Ce sont des millions de petits choix éthiques à faire dans la façon dont nous vivons. Nous devons avoir la force et la volonté. »
Quelque 4 000 personnes de 86 pays ont participé à ce panel, selon Richard Matthias, le directeur général de l’Institut pour l’investissement futur.
Recueillis par M.R.